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Égarés, oubliés Action-remémoration

juin 2021 | Le Matricule des Anges n°224 | par Éric Dussert

Né en 1895, Marcel Sauvage fut l’un des rouages discrets du XXe siècle littéraire. Souvenirs de l’auteur des Mémoires de Joséphine Baker.

Ça manque de sang dans les encriers », 1895-1981

Selon Renée Dunan, Marcel Sauvage était un « homme charmant, timide et doux ». Elle le disait dans Clarté le 16 octobre 1920. Quelques années plus tard, Jean Maxe, le tenant des Cahiers de l’Anti-France trouvait lui aussi à cet « artiste pauvre et si bien doué » assez de talent. Et même s’il était libertaire à tendance individualiste, il n’avait pas aux yeux du nationaliste Maxe la fâcheuse tendance au communisme de certains de ces congénères… Réfractaire « avec des curiosités bourgeoises » et des envies d’art, il récusait l’art de classe de Martinet, se détacha de Clarté, « trompe-l’œil politique », ne se reconnaissait pas dans le communisme d’État tout en encensant Lénine, « empereur des pauvres », « Napoléon du communisme »… Le « poète verlainien révolté » et assez sentimental des débuts était, comme Sauvage le déclarait alors lui-même « une âme en mal de rêves nouveaux » (Les Humbles, mai 1919). Ces aspirations venaient parfois sous la forme d’intrépidités dada d’assez bon aloi pour autoriser des illustrations de Max Jacob au Voyage en autobus. Où il est parlé des 24 stations de Montmartre à Saint-Michel (Liber, s. d. [1920]). Depuis « Un ange légèrement bleu joue de la mandoline sur les fils du télégraphe. » jusqu’aux « poèmes rouges » des Visions poignantes, la palette de Sauvage avec naturel s’élargit jusqu’au drame. « J’ai de la nuit en moi…/ J’ai fait des poèmes vivants et rouges : on eût dit des cris de plaies… Les mots brandis étaient des flammes sinistres dans la nuit…/ j’ai déchiré mes poèmes rouges, les voici…  »
Marcel Sauvage aura été comme ces nombreux hommes et femmes d’écriture du siècle dernier qui furent des passants de la vie littéraire, tantôt lus et promus, vite oubliés, pris par leur activité quotidienne au point de ne porter qu’une relative attention à leurs créations. Elles et ils sont légion… Les mémoires que Marcel Sauvage rédigea, bien après son complice Florent Fels (Voilà, Arthème Fayard, 1957) et à l’instigation de Luc Estang (1911-1992), relayé par Jean José Marchand (1920-2011), ne connurent pas de publication derechef. Il fallut attendre leur prise en main par Vincent Wackenheim et Claire Paulhan pour les lire enfin, et admettre qu’on ne perd pas du tout son temps à suivre Sauvage replaçant quelques personnages dans leur contexte historique et culturel – à ce propos, le prolixe et précis Wackenheim a toutes ses chances au « prix de la Note de bas de page » (qui n’a que le tort de n’exister pas encore…).
Non, il faut s’en convaincre, Marcel Sauvage n’aura pas été que le rédacteur des mémoires de Joséphine Baker (Corrêa, 1949)… Comme il l’indique dans les Cahiers idéalistes d’août-septembre 1918, la violence ne fut pas étrangère de sa vie. « Grands singes souples ramassés pour un bond, dans les bois d’Afrique, grands tigres souples de l’Inde, lovés au creux d’un arbre, guettant, les yeux luisants : mes vingt ans n’ont eu rien à vous envier. J’ai tué un homme… » Né à Paris en 1895, il s’était engagé en 1914 et se trouva au front, dans la Somme, où il fut gravement blessé, subissant en outre une tuberculose osseuse qui lui commanda l’exil au soleil du sud de la France. Sa bibliographie est alors bourgeonnante. On le lit en revue, en poèmes et il fonde en compagnie de Fels avec le capital de leur double prime de démobilisation la revue Action. Réussite remarquable ! Ses douze livraisons réimprimées par Jean-Michel Place (1999) ont repris naturellement leur place dans le concert des revues importantes de la première moitié du siècle dernier. Mais il faut manger et le pauvre poète entre à l’Intransigeant en 1926, non sans avoir tenté de poursuivre La Mêlée de Chardon en lançant l’Un, puis L’Ordre naturel sur les pas d’Armand. Suit pour Sauvage une carrière de journaliste et de rédacteur en chef d’agence de presse. Il publie quatre livres chez Denoël entre 1932 et 1938, un récit de voyage en Afrique, un document sur la corrida, des anthologies de poètes (Anthologie des poètes de l’O.R.T.F, 1969, Gardiens de la parole, 1974) et… des mémoires qui ne paraissent donc que cette année, trente-trois ans après sa disparition en juin 1988 à Peymeinade, près de Grasse dans les Alpes-Maritimes.
Simples et nettes, les mises au point de ses mémoires personnelles peuvent inciter les amateurs de petits faits vrais et de versions alternatives au grand « roman » de l’Histoire tamponnée à faire un tour chez Sauvage. En particulier sur la période de la Seconde Guerre mondiale ou lorsqu’il évoque le monde littéraire. On n’ira pas déflorer ici les petites surprises placées sans malice par Sauvage au hasard de sa remémoration. Au hasard, cette notation sur la déontologie selon Maurice Nadeau juré de prix littéraire : « Directeur dans une grande maison d’édition, il s’est fâché parce que nous lui avons fait observer qu’il était délicat de soutenir des livres qu’il avait fait éditer lui-même ». No comment, mais indice que, après la publication du volumineux journal de Jacques Lemarchand, les éditions Claire Paulhan fournissent une nouvelle source importante pour l’histoire littéraire. Notons encore que Sauvage, membre du jury du prix Renaudot, confesse avoir servi de marchepied aux femmes de lettres de son temps alors que ça n’était pas du tout à la mode. Le geste prouve que Sauvage, qui avait le nez creux, n’était certes pas un rustre.

Éric Dussert

« Ça manque de sang dans les encriers »
Mémoires, 1895-1981

Marcel Sauvage
Annotation et présentation de Vincent Wackenheim
Éditions Claire Paulhan, 524 pages, 33

Action-remémoration Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°224 , juin 2021.
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