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Intemporels Penser comme une montagne

septembre 2021 | Le Matricule des Anges n°226 | par Didier Garcia

Selon l’écologiste américain Aldo Leopold, il faut promouvoir la perception pour préserver l’environnement. Défense et illustration.

Almanach d’un comté des sables

Connu comme le père de la défense de la faune et de la flore sauvages en Amérique, et pour avoir été conseiller auprès des Nations unies pour la protection de la nature, Aldo Leopold (1887-1948) apparaît en ces pages comme le digne héritier de Henry David Thoreau (1817-1862), se faisant l’ardent défenseur de « ce qui est naturel, sauvage et libre » contre ce qui est « artificiel, domestique et confiné », et affichant sa nostalgie pour ce paradis à jamais perdu que fut la Grande Prairie américaine foulée par des troupeaux de bisons. Mais c’est un observateur particulièrement attentif de son milieu que l’on découvre dans ce spicilège divisé en trois sections bien distinctes : d’abord un almanach (qui est devenu un bréviaire pour les jeunes Américains), puis des récits évoquant quelques épisodes marquants de sa vie (souvenirs d’immersions totales dans la nature), et enfin des textes de réflexion ayant tous à voir avec la pensée écologiste.
Révélant, mois après mois, ce que la nature du Wisconsin (un État du Midwest, proche des Grands Lacs) a à offrir à ceux qui se mettent à son écoute, l’almanach s’arrête sur quelques-uns des « mille petits drames qui se jouent dans les bois et dans les prés » : quand janvier incite à suivre les traces de la mouflette, avril donne à voir la danse céleste de la bécasse, cependant que juin encourage à pêcher les truites, lesquelles ont moins rempli son panier que sa mémoire… Si l’observation est précise, c’est qu’elle est étayée par une pratique régulière et une connaissance impressionnante du milieu (Leopold dit appartenir à une minorité pour laquelle « la possibilité de voir des oies est plus importante que la télévision »).
De la beauté, la nature en a à revendre. Mais la contemplation se double ici d’une autopsie, l’auteur s’attachant aussi bien à ce qu’il voit qu’à ce qui disparaît, évaluant ainsi le prix et les conséquences de chacun de nos actes (de toutes les activités humaines, seule la photographie trouve grâce à ses yeux, car elle est « l’un des rares parasites inoffensifs de la nature »).
Pour cette dernière, le malheur vient de ce que l’homme s’efforce depuis toujours de l’adapter à ses propres besoins. Ainsi, l’extermination des loups (et avec eux celle des pumas, des couguars ou des ours, qui menaçaient les troupeaux) a favorisé la prolifération des cerfs et des élans (laissés sans prédateurs), lesquels défolient les arbres comestibles, faisant disparaître buissons et jeunes plants, et favorisant les incendies dévastateurs qui condamnent la montagne à une mort lente. Or, note-t-il, « tandis qu’un vieux cerf tué par les loups peut être remplacé en deux ou trois ans, une montagne mise à mal par l’excès de cerfs a parfois besoin de deux ou trois décennies pour se reconstituer ». Tant que l’homme ne pensera pas « comme une montagne », ses décisions contribueront à l’épuisement de la nature vierge.
Publié à titre posthume en 1949, Almanach d’un comté des sables est, selon l’avis de Le Clézio, qui s’exprime ici en préfacier conquis, « un livre que chacun devrait avoir avec soi (…), dans son sac ou sa bibliothèque ». Il est la confession (elle se lit parfois comme un roman) d’un homme qui se trouve au plus loin de la société « du toujours-plus-toujours-mieux », qui méprise « la pléthore des biens matériels », et pour qui « la possibilité de trouver une pasque (petite fleur aux pétales la plupart du temps blancs ou violets et au centre jaune vif) est un droit aussi inaliénable que la liberté d’expression ».
Il peut bien sûr être lu comme le testament d’un citoyen qui avait choisi de vivre non pas de la terre mais avec elle, en restant toujours à son écoute, et en la respectant (ce qui n’excluait ni la chasse ni la pêche). Un testament qui penche tantôt du côté du réquisitoire (contre l’homme mécanisé, « oublieux des flores » et « fier des progrès accomplis dans le nettoyage du paysage dans lequel il doit, bon gré mal gré, passer ses jours »), tantôt du côté du plaidoyer (en faveur d’une éthique qui se chargerait de définir la relation de l’homme à la terre, dans laquelle ce dernier aurait autant de devoirs que de droits).
Mais pour préserver durablement la planète (et plus particulièrement les membres de la communauté-terre n’ayant aucune valeur économique), encore faudra-t-il « promouvoir la perception chez les Américains » (et pas seulement !), car « le progrès, ce n’est pas de faire éclore des routes dans des paysages déjà merveilleux, mais de faire éclore la réceptivité dans des cerveaux humains ». Cette éducation, qui reste à faire, est désormais une urgence.

Didier Garcia

Almanach d’un comté des sables,
d’Aldo Leopold
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Anna Gibson, GF, 290 pages, 9

Penser comme une montagne Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°226 , septembre 2021.
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