Un livre

Les Monts Analogues

de René Daumal

Editions Gallimard

Qu’il s’agisse de Gaston Rébuffat dans le Mont-Blanc ou de Ludwig Hohl dans les Alpes suisses, les récits d’ascension sont innombrables. Mais peu sont ceux qui associent à ce point l’alpinisme sportif et la dimension intérieure, comme le laisse entendre Le Mont Analogue. Certes nous connaissions cet étrange récit, paru en 1952 de manière posthume, mais le voici dans une remarquable édition qui en multiplie les perspectives sous le titre de Les Monts Analogues de René Daumal.
Le narrateur est un jeune alpiniste qui, avec le concours du professeur Sogol (l’anagramme de logos), est convaincu qu’un sommet inconnu, à cause d’une « courbure de l’espace », les attend. L’expédition entraîne un groupe d’excentriques cultivés, la quête initiatique conduit le yacht L’Impossible vers le Pacifique Sud et « une montagne beaucoup plus haute que l’Everest », où des colonies vivent dans une sorte d’utopie. Resté inachevé, ce presque poème en prose et dialogue
philosophique, irrigué par une mystique venue d’Inde et de l’enseignement de Gurdjieff, laisse le lecteur rêver son propre sommet.
À l’occasion d’une exposition au Fonds régional d’art contemporain de Reims, ce beau livre sous la direction de Boris Bergmann est enrichi de documents d’archives, d’éditions originales et d’inédits de notre membre du Grand Jeu, et d’œuvres d’artistes que cette montagne fabuleuse inspire. Un tel récit, entre surréalisme et métaphysique, eut un succès inattendu aux États-Unis, où la génération de City Lights et de la contre-culture des années 60 le vénéra, ce qui explique la préface d’une enthousiaste de toujours : Patti Smith.

Thierry Guinhut

Les Monts Analogues de René Daumal
Gallimard, 232 p., 35 €