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Domaine étranger Le Cluedo dont l’arme est de calcaire

mars 2022 | Le Matricule des Anges n°231 | par Éric Dussert

Plantée sous une falaise branlante, une pension de famille anglaise vit ses derniers jours. Qui y restera enseveli ?

Devançant d’une quinzaine d’années Le Chef d’Harry Kressing (Le Typhon, 2021), Le Festin de Margaret Kennedy (1896-1967), qui n’est certes pas aussi gastronomique, appartient à cette même catégorie de romans de mœurs à personnages multiples dont l’interprétation cinématographique paraît inéluctable : beaucoup de vie, des caractères trempés, un décor inoubliable, des dialogues tracés au cordeau, bref, des affaires fictionnelles menées de main de maître. Engagée dans l’activité cinématographique depuis 1928, la romancière et scénariste Margaret Kennedy connaissait à la perfection toutes les ficelles de son double métier. En particulier la manière de construire un récit-scénario, et jusqu’à la façon idéale d’intituler ses chapitres de manière alléchante. Il n’y a pas dans la réédition de la traduction de Denise Van Moppès (Albin Michel, 1951) un moment de relâche pour l’attention du lecteur qui est propulsé de « Il faut être deux pour faire un lit » en « Mégots »…
Le sujet est simplissime : une pension de famille vieillissante se trouve plantée au pied d’une falaise calcaire du sud de l’Angleterre. Une mine de la Seconde Guerre mondiale portée par les courants vient à exploser dans une caverne marine et déstabilise la roche au point qu’elle finira par s’effondrer sur l’hôtel et ses abords. Tout le suspens du roman tient à ce que vont être ensevelis tous ses occupants dans une apocalypse corrigeant la mauvaiseté des âmes. Tout cela est fort moral, comme on peut voir.
À la lecture de FeastLa Fête (rien à voir avec le roman de Roger Vailland, 1960) ou Le Festin –, on ne peut pas s’empêcher de penser au cinéma anglais d’alors, et à ses productions qui, à l’instar de Passeport pour Pimlico (1949) d’Henry Cornelius composent des comédies de mœurs aussi acides que drôles, les deux caractéristiques de l’humour anglais. Chez Margaret Kennedy, mêmes figures tonitruantes, mêmes enfants délicieusement imaginatifs, mêmes vieilles dames attendrissantes, ou détestables, mêmes hommes inutiles et fats. On ne s’étonne pas qu’en 1950 une série américaine (The Philco Television Playhouse de Delbert Mann) ait intégré à son récit l’épisode « The Feast ». Le roman était taillé pour se traduire en images et il semble parfois que Margaret Kenned a prévu jusqu’aux mouvements de caméra dans ce paysage humain et naturel inoubliable. Blanche, une enfant adoptée, retient beaucoup d’attention car elle cristallise à elle seule la liberté, réveillant par ses audaces des êtres « endormis », repliés dans leur tristesse ou leurs soucis. S’ensuivent de grands débats, bien légitimes après la Seconde Guerre mondiale, sur la société, les défauts des uns, le salut de tous. « Moi, je ne crois pas qu’aucune catégorie d’individus soit particulièrement responsable de ce monde qui s‘effondre. S’il n’y avait pas quelque tare en chacune de nous, on pourrait s’arranger de n’importe quelle catégorie, si dangereuse fût-elle. Mais on ne peut pas parce que personne n’est assez reconnaissant. L’ingratitude ! Voilà le vice de tous. »
Mais la générosité et l’empathie sauveront-elles notre monde ? Lectrices de Margaret Kennedy, les romancières Elizabeth Bowen et Anita Brookner semblaient lui accorder cette illusion, dénichant dans cette comédie délicieusement touchante les bribes d’un anarchisme sans doute bien chrétien mais aussi bien légitime.

Éric Dussert

Le Festin
Margaret Kennedy
Traduit de l’anglais par Denise Van
Moppès
Préface de Cathy Rentzenbrink
Quai voltaire, 471 pages, 24

Le Cluedo dont l’arme est de calcaire Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°231 , mars 2022.
LMDA papier n°231
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