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Égarés, oubliés Un extrait de Parisienne

juillet 2022 | Le Matricule des Anges n°235 | par Éric Dussert

Fille de peintre, Suzanne de Callias (1883-1964) fut romancière et journaliste. Féministe et spirituelle, elle compila les balourdises mâles qu’elle commenta avec une piquante ironie.

En 1924, si la grande affaire du monde des Lettres ce n’est pas la publication du premier numéro de La Révolution surréaliste, ne serait-ce la révélation par le chroniqueur Léon Treich de l’identité de Ménalkas, le fameux auteur de L’Ersatz d’amour (Crès, 1923) ? Son co-auteur Willy, ce vieux broc’ des lettres, prétendait que Ménalkas était de sexe masculin et qu’il était mort au Maroc. Quel vieux filou ! Ménalkas se nommait en réalité Suzanne de Callias et elle appartenait à l’atelier Willy, et l’on sait ce que cela signifie d’abnégation depuis que sont sues les aventures de Jean de Tinan ou de Théo Varlet aux côtés du vieux professionnel roublard.
La jeune fille n’était pas n’importe qui : elle portait le même patronyme que Nina de Villard (1843-1884), fameuse auteure de monologues portraiturée avec son éventail par Manet, surnommée la « Petite Anthologie » parce qu’elle avait collectionné les poètes après s’être séparée de son époux volage Hector de Callias (1841-1896), journaliste au Figaro, bientôt alcoolique invétéré, client du « Cabaret du Rat-mort » – et tonton de Suzanne dont le père n’était autre que le frère d’Hector : le peintre Horace de Callias (1847-1921). Suzanne de Callias est née le 24 janvier 1883 dans le Ve arrondissement de Paris, où elle mourra le 14 février 1964 en n’ayant opéré qu’une légère translation vers l’ouest, jusqu’au VIe arrondissement. Elle est à l’évidence très intégrée au monde culturel parisien, et l’on ne serait pas étonné qu’elle soit cette « Mademoiselle de Callias », secrétaire générale de la Schola Cantorum à qui Erik Satie sert du « Chère consœur » lorsqu’il veut couper aux inventions barbantes. Elle se présente elle-même comme un « extrait de Parisienne », une synthèse chimiquement pure dont les débuts en peinture purent s’admirer au Salon des humoristes entre Neumont et Forain.
Coécrire avec Willy n’ouvrait pas toujours les portes du succès, et jamais celle de la fortune… Tout au plus apprenait-on le métier avec un maître de la presse 1900. Mais ça n’est pas un livre que publie avec lui Suzanne, son « petit Slave énigmatique », comme il l’écrit à Renée Dunan en remerciement du compte rendu qu’elle a fait d’Ersatz d’amour (l’un des rares), mais trois. Selon BigNet, il faudrait ajouter Jeux de prince mais la wikiteam se trompe : le livre ayant déjà paru en 1906, il ne peut supporter l’attribution. En revanche, Le Naufragé (Malfère, 1924) est bien un roman de la quadragénaire rapetassée par Willy. Comme le signale François Caradec dans sa biographie du Père des Claudine (Fayard, 2004), Ersatz et Naufragé n’atteignent ni l’un ni l’autre les 10 000 exemplaires. « C’est désespérant de penser, écrit Willy au journaliste Pierre Varenne, que, faute d’être signalé aux foules, le bouquin ne va pas s’acheter, alors qu’il aurait dû faire son chemin “tante et plus !” ». L’époque n’est décidément plus aux lesbiennes… Willy et Suzanne collaboreront néanmoins une fois encore avec Le Fruit vert, chez Louis Querelle en 1927, un recueil de nouvelles qui contient un « conte vécu et transposé par Ménalkas ».
De son côté, Suzanne n’a pas tous ses stylos dans le même encrier. Elle collabore à la presse, donne des livres depuis 1911 chez Bauche, A la Démocratie, à la Librairie des Lettres, chez Fasquelle, etc. Elle publie par ailleurs chez Malfère, l’éditeur d’Amiens en parfaite autonomie (Monsieur Fayol et sa fille, 1924). Et puis, il apparaît rapidement dans sa bibliographie des reportages mis en volume et, c’est plus remarquable, des écrits d’un féminisme militant. Son enquête sur les femmes britanniques est remarquée, par Gabriel Reuillard notamment qui en rend compte dans Paris-Soir en 1926 : « Mme Suzanne de Callias, ardente féministe, a fait de nombreuses conférences à l’étranger, notamment en Norvège, en Tchécoslovaquie, en Allemagne et en Angleterre. Dans ce dernier pays elle a interviewé des femmes de toutes les conditions, depuis les femmes-députés, jusqu’aux femmes-inspecteurs de la Sûreté. » En Scandinavie, ce sont les femmes-soldats qu’elle visite, et on a évoqué son enquête à propos des soldates syriennes ou ukrainiennes ces dernières années (Aux pays des femmes-soldats, Finlande, Esthonie, Danemark, Lithuanie, Fasquelle, 1931).
Au-delà de ses romans qui peignent la vie bourgeoise de son temps, ou celle des peintres, des affranchis, comme le ferait une naturaliste, nous n’insisterons sans doute pas sur son exercice de divination intitulé Notre proche avenir : 1934. L’année décisive. Ce qui est déjà réalisé. Ce qui nous attend (Protéa, 1934), où ses talents de devineresse jouaient à la roulette, mais bien sur son Florilège de l’anti-féminisme (Librairie féministe et féminine-Chulliat, 1926), un livre que salue La Fronde de Marguerite Durand le 9 juillet 1926 : « C’est un choix judicieux de quelques injures, sottises et contresens que des personnalités masculines célèbres ont écrits contre la mentalité féminine depuis les philosophes chinois et les premiers pères de l’Eglise jusqu’aux journalistes contemporains. Mme Suzanne de Callias a émaillé ces citations de commentaires où se retrouve toute l’ironie spirituelle de l’auteur de Jerry et de Lucienne et Reinette. » Voilà qui mériterait réédition.

Éric Dussert

Un extrait de Parisienne Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°235 , juillet 2022.
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