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Domaine français Dans le chaos du monde

septembre 2022 | Le Matricule des Anges n°236 | par Lionel Destremau

Sandrine Cohen nous livre une plongée en apnée dans les abîmes de l’âme humaine, avec l’espoir de l’amour pour seule planche de salut.

Tant qu’il y a de l’amour

Avec son premier roman paru en 2020, Rosine, une criminelle ordinaire, Sandrine Cohen avait fait une entrée remarquée sur la scène du roman noir français, au point de remporter le Grand Prix de littérature policière 2021. Son deuxième roman met en valeur ce qui nourrissait profondément le premier, soit une capacité à décrire les mécanismes psychiques qui conduisent un individu à passer à l’acte. Dans Rosine, il s’agissait du crime effroyable d’une mère tuant ses propres enfants et du chemin parcouru par cette dernière avant d’en arriver à cette extrémité. Dans ce nouvel opus, à partir d’un fait divers qui pourrait être presque ordinaire – une dissimulation de cadavre –, Sandrine Cohen nous plonge dans une histoire familiale complexe, à la fois dramatique et lumineuse.
Cette famille est composée de Suzanne, 36 ans, et de ses quatre enfants, tous nés de pères différents, le plus âgé, Achille, bientôt majeur, les deux pré-ados, Jules et Arthur, et la petite dernière, Mathilde, 6 ans. Suzanne vit dans un petit pavillon hérité de sa mère, à Saint-Denis, travaille au supermarché et survit en éduquant sa progéniture. Sans doute est-elle parfois trop fantasque, a-t-elle fait aussi des erreurs, en particulier d’aimer trop, trop vite, des hommes qui ne lui rendaient pas cet amour et qui n’en valaient pas la peine non plus. Pourtant, malgré ses fragilités, ses détresses, ses errements, elle veut encore y croire, et puis il y a ses enfants, cette bouée de sauvetage qui lui a toujours permis de tenir le choc – les abandons, les violences, les mensonges. Elle a rencontré il y a peu Ismaël, plus jeune qu’elle, un peu mystérieux peut-être, mais qui paraît sincère et commence à s’intégrer à la vie de famille. Pourtant, tout va voler en éclats. Le 13 novembre 2015, à deux pas de chez eux, ont lieu les premiers attentats du Stade de France, qui se prolongeront dans les 10e et 11e arrondissements de Paris et au Bataclan. Suzanne, qui laisse BFMTV en tâche de fond en permanence, est bouleversée, elle laisse la panique s’emparer d’elle, quelque chose se brise soudain, la peur vient faire son travail de démolition dans un psychisme qui ne tenait qu’à un fil. Et voilà qu’Ismaël, son nouvel amant, disparaît. « Elle pense qu’elle n’est bonne à rien. Elle pense à ses enfants. Elle pense qu’elle leur a fait déjà bien assez de mal comme ça (…). Elle pense que ça a assez duré, qu’elle n’en peut plus de penser. Elle pense qu’elle n’a aucune compassion, qu’elle mérite de mourir. Elle pense à ce qu’elle ne veut pas nommer, ni même penser. Elle pense à cette absence, à cette béance, à l’intérieur d’elle. Elle pense qu’elle a assez lutté. » C’en est trop, elle craque, et une surdose de médicaments provoque sa fin.
À partir de cet instant, l’existence de tous les protagonistes va chanceler. On va découvrir progressivement le parcours d’Ismaël, qui il est vraiment, ce qu’il cachait ; on va suivre les enfants qui vont tenter de retarder le plus possible la découverte de la mort de leur mère pour ne pas risquer d’être séparés, les pères respectifs qui vont être passés en revue, avec leurs faiblesses, leurs crimes aussi. Et un enchaînement d’événements se met en place sans que le lecteur, sorte de témoin involontaire, ne puisse bien sûr rien faire pour arrêter le drame qui se prépare.
C’est ainsi que Sandrine Cohen, par petites touches psychologiques, par des focales posées sur tel ou tel personnage, construit une intrigue où les enfants se retrouvent au centre de l’univers des adultes et viennent en démonter les rouages les plus absurdes (la justice familiale par exemple) ou les plus cruels (les traumas avec lesquels certains doivent grandir).
Dans le chaos d’un monde soudain effrayé par les attentats perpétrés, où la peur et l’état d’urgence entretiennent bien des erreurs de jugement, font naître ou renaître aussi le racisme ordinaire, l’intolérance, l’instinct de vengeance et les haines recuites, ces quatre enfants vont tenter de se maintenir à flot, se protégeant de cette forme de folie collective. Il n’est pas certain qu’ils y parviennent. Cependant leur regard sensible, leur attachement indéfectible, leur capacité de résilience et de résistance aux manipulations provoqueront chez certains adultes (une mère qui a perdu sa fille dans les attentats, un commissaire de police, un juge, un des pères irresponsables…) un déclic salvateur.

Lionel Destremau

Tant qu’il y a de l’amour
Sandrine Cohen
Éditions du Caïman, 446 pages, 25

Dans le chaos du monde Par Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°236 , septembre 2022.
LMDA PDF n°236
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