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Domaine étranger La folie en tête

novembre 2022 | Le Matricule des Anges n°238 | par Thierry Cecille

avec ce récit enchevêtré d’une analyse douloureuse, Goliarda Sapienza nous offre, une fois encore, un manuel de survie.

Nous avions partagé avec Goliarda Sapienza l’apprentissage que fut pour elle l’expérience de la prison (L’Université de Rebibbia), nous l’avions suivie dans ses premiers pas en liberté, dans la Rome des années de plomb (Les Certitudes du doute), nous la retrouvons, cette fois encore, grâce à la fidélité des éditions Le Tripode. Mais la chronologie est bouleversée – comme l’est la narratrice et comme nous le serons durant notre lecture. Nous sommes en effet dans une période bien antérieure à celles évoquées plus haut : en 1962, Goliarda Sapienza a 38 ans, une rupture amoureuse la conduit au désespoir et à une tentative de suicide. Elle est internée et doit subir des électrochocs. San ancien compagnon lui trouve alors un psychanalyste et elle s’engage avec lui dans une analyse qui durera de longs mois. La guérison, lente, finira par venir : Goliarda Sapienza pourra alors se lancer dans l’écriture de L’Art de la joie.
Le lecteur doit lui aussi, au moins au début, se risquer dans cette entreprise : il lui faut se plonger dans ce « chaos intime », tenter de suivre les tours et détours de l’inconscient mêlé à la conscience, les lacs et lacis des souvenirs vrais ou fantasmés. Curieuse expérience puisque nous sommes ainsi quelque peu semblables à cette patiente impatiente, partagée entre l’espoir et la défiance face à cet homme entre les mains ou plutôt entre les mots de qui elle se livre. Elle sait qu’elle va devoir « repartir en arrière pour aller de l’avant » ou, formulé plus crûment, « reparcourir à quatre pattes le chemin sombre et tortueux ». Les pièces du puzzle se mettront peu à peu en place, pour elle comme pour nous, et nous lirons alors comme une autobiographie fragmentée, dispersée : son enfance et son adolescence en Sicile, paradis perdu, les activités politiques de ses parents, opposés au fascisme, ses débuts de comédienne une fois installée à Rome, son amour pour cet homme avec elle vit durant seize années avant la rupture, point de départ de ce voyage vers les rivages de la folie… Mais que veut dire ce mot ? Comment approcher cette réalité ? « Je n’avais pas été folle : j’avais voulu mourir ; mais cela n’est pas de la folie, ça peut être de la faiblesse. Tant de gens le font, et ne sont pas fous. »
Cette femme blessée, que la tragique photographie en couverture nous montre comme perdue dans le vide de l’attente, peu à peu reprend pied dans la réalité. Peu à peu vient au jour une certaine vérité sur elle-même, par éclats, douloureux bien sûr : « Peut-être m’a-t-il aussi détaché la peau, la première chair, la seconde, avec son bistouri psychanalytique, et ainsi la trame délicate des nerfs et des veines, découverts, tremble à chaque souffle d’air, à chaque nuage, à chaque ombre qui descend dans cette pièce… » Comme il advient souvent, Goliarda Sapienza tombe amoureuse (ou croit l’être) de ce médecin des âmes – mais il la rassure : « Ce transfert nous sera d’une grande utilité dans l’analyse : parce qu’à travers le filtre de ce que vous allez transférer comme autres visages, comme autres émotions sur mon image (…) sur cet écran blanc nous saisirons les émotions excessives, les sentiments exaspérés ». Ce qu’elle découvre alors, c’est la « crainte masquée », refoulée, de n’être pas aimée par sa mère qui l’a, dès sa jeunesse, comme plongée dans un « processus de dé-féminisation ». Il l’avertit : il lui faut désormais se libérer de cette mère qui « ne se donnait pas et (l)’opprimait par sa stature de fer et son intelligence ». Mais le chemin sera encore long, elle devra tomber de nouveau, de nouveau se relever, avant de mettre au jour l’énigme, car « chaque personne a son secret qu’elle porte enfermé en elle depuis la naissance, secret de parfum de tilleul, de rose, de jasmin, parfum secret toujours différent, toujours nouveau, unique, sans pareil ».

Thierry Cecille

Le Fil de midi
Goliarda Sapienza
Traduit de l’italien par Nathalie Castagné
Le Tripode, 254 pages, 18

La folie en tête Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°238 , novembre 2022.
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