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Poésie Parole de sage

novembre 2022 | Le Matricule des Anges n°238 | par Emmanuelle Rodrigues

Quand on n’a que la terre nous fait découvrir « la parole épique » d’Adbourahman A. Waberi, un amoureux émerveillé de la langue.

Quand on n’a que la terre. Et autres recueils

Né en 1965 à Djibouti, Abdourahman A. Waberi est l’auteur d’une œuvre importante comprenant notamment une trilogie sur son pays natal, Le Pays sans ombre, Cahier nomade et Balbala. En 2021, il s’est vu attribuer la Grande médaille de la francophonie, décernée par l’Académie française, une distinction notable pour cet ambassadeur de la francophonie. Selon Alain Mabanckou qui signe ici la préface, l’auteur se considérerait plutôt comme « un enfant de la post-colonie ». Signataire en 2007 du manifeste pour une « Pour une littérature-monde en français », Abdourahman A. Waberi entend surtout la littérature comme un engagement absolu : l’acte de création procédant d’une libération de soi n’en relève pas moins d’une exploration sans cesse reconduite de son propre exil.
Ce livre, qui regroupe trois de ses recueils de poèmes, nous le laisse entrevoir. On y admire tout à la fois la révélation de sa quête intérieure mais aussi son art poétique qui tend à une forme de sagesse. Le style de Waberi se caractérise par son sens de l’harmonie, son verbe témoigne de son amour de la langue et de ses alchimies secrètes. Tout un monde sensible où le beau et le vrai, le charnel et le spirituel, le profane et le sacré se rencontrent sans cesse ! Qu’il s’agisse du recueil Les Nomades, mes frères, vont boire à la grande ourse (Mémoire d’encrier) paru en 2013, de celui publié en 2016 Mon nom est aube (Vents d’ailleurs), ou de l’inédit Quand on n’a que la terre, ces trois ensembles déploient leurs correspondances tout en nous dévoilant des textes aux accents parfois érotiques. Mais surtout, l’auteur ne conçoit pas d’écrire sans faire écho à d’autres voix. Il rend ainsi hommage à Victor Hugo, à Franz Fanon, à Tahar Djaout, à Mazisi Kunene, à bien d’autres encore. Se manifeste là le souci de raviver leur mémoire, d’expliciter une complicité réelle et profonde. L’impulsion d’un tel dialogue fait écho à la quête de celui qui tente de relier sa propre aventure à l’ensemble du vivant : ici et maintenant, s’initier au désir, à l’élan amoureux et à l’écoute du silence, quand ce n’est pas la mort même qu’il faut « toiser », ou encore « courser ». Et ainsi se risquer à la rencontre, au départ vers un ailleurs. Ailleurs qui est soi, autrement : « le pays des autres/ l’autre pays/ le pays autre qui se joue de moi/ un autre moi-même me susurre/ de prendre pour pays-à-soi la page blanche ». Arpenter « un territoire intérieur d’austérité et de concision », conduit à faire sien l’audacieux pari de déchiffrer « le livre de la création ».
En évoquant sa terre natale, Abdourahman A. Waberi en rend sensible toute l’aridité. Attentif à ces espaces rocailleux, désertiques et sahéliens, marqués par la sécheresse, il en dit la beauté et la désolation : « ma terre est maigre il n’y a rien à vendre/ d’or noir, de bois rare, des perles d’azur ?/ rien que du vent des vents migrateurs/ - songes de troupeaux et de mirages d’eau ». Le désert se déploie tel un espace « à ciel ouvert », abandonné au vent et à ses calligraphies. Et la voie s’ouvre à qui demeure seul face à « l’éclat mortel de la page blanche ». Le continent africain se révèle par son immensité même comme lieu de genèse et de mémoire de l’humanité, espace matriciel de l’« afrokhoï sapiens ».
Mais c’est avant tout aux ressources de la sagesse, voire d’une connaissance secrète que cette épopée poétique a recours. Si « écrire, c’est ébruiter le charnel », c’est aussi aller à la rencontre d’un déjà-là : « Tout flotte dans l’enveloppe de sa forme à venir ». Force est de s’émerveiller : « rien à inventer/ tout te précède/ tout est là/ la graine, l’écorce, la couronne et les épines/ l’errance éros du temps/ la vie dans la mort/ la mort dans la vie/ la source et l’océan/ la colombe juchée sur ta tombe ». L’ascèse elle-même est infinie et « le chemin non tracé ».

Emmanuelle Rodrigues

Quand on n’a que la terre
Abdourahman A. Waberi
Points, 262 pages, 8,40

Parole de sage Par Emmanuelle Rodrigues
Le Matricule des Anges n°238 , novembre 2022.
LMDA papier n°238
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