Un livre

La Beauté du geste

de Yves Bichet

Editions Pommier

Plus ou moins volontaires, plus ou moins éloquents, les gestes relèvent du pouvoir et de l’éclat de la beauté ou renvoient à la secrète nécessité qui est à l’œuvre au cœur de l’évidence. En s’attachant à quelques-uns d’entre eux, et au fil de récits qui ont la force de persuasion du fragment, quand ils sont courts, ou qui tiennent d’une sorte d’étude d’après nature, quand ils sont plus longs, Yves Bichet parvient à cerner ce qui parle en eux, mais aussi ce qu’ils ont de plus beau que les mots.
Des gestes très différents, allant de la dextérité immémoriale des « épépineuses » qui prélèvent à la plume d’oie les pépins des groseilles dont on fait « la confiture des rois », au naturel stupéfiant avec lequel une enfant de 12 ans peut venir se blottir sur les genoux d’un adulte pour annoncer, par là même, « qu’elle n’en est plus une » ; celui aussi d’un aveugle caressant, successivement, ses sourcils puis ceux de son chien de compagnie, ou celui d’un maçon-couvreur qui, tombant d’un toit, réussit, dans un réflexe inespéré, à pivoter sur lui-même et à se réceptionner tel un chat – « le plus époustouflant des gestes qu’il m’a été donné de voir ». Ces gestes, Bichet les déplie et montre comment ils en viennent à éclairer le plus intime de la personne. Qu’il s’agisse du dernier geste adressé à un défunt, du geste qui sauve, de ceux de l’amour ou de celui qui consiste à apprendre à reculer, tous correspondent à des moments de crise, de cassure reliante, et leur vérité « n’est évidente que si la défaite se profile, que si la fatigue ou la faute sont là, menaçantes, en embuscade ».
Des gestes qui finissent par composer un tableau pointilliste où apparaît, par bribes, la vie de l’auteur, un homme qui est passé du geste de bâtir, qui l’a nourri si longtemps, à celui d’écrire.

Richard Blin

La Beauté du geste
Yves Bichet
Le Pommier, 192 pages, 17 €