Dans le futur. Une salle de musée. La docteure, des visiteurs. » Le musée, c’est le CIED, Centre international des espèces disparues. Un lieu qui rassemble, du grand pingouin au scorpion géant de 3 mètres, les êtres vivants disparus de la surface de la Terre en raison des activités humaines. Un voyage dans le passé, comme le précise la docteure qui guide le groupe. Et l’on passe ainsi en revue tous ces êtres qui ont peuplé la Terre avant nous. La docteure fait son travail, sérieux, documenté, exigeant. Et en face il y a les visiteurs ; un groupe dissipé, blagueur, et dont on identifie facilement les spécimens : le râleur, le pointilleux, le maniaque, l’enfant surdoué. Il y a celle qui doute, celui qui blague, celui qui fait son intéressant, celle qui conteste en permanence l’autorité de la docteure, celle qui ne comprend rien. Ils ont été tirés au sort et n’ont pas eu la possibilité de refuser la visite. On s’amuse aux remarques des uns et des autres ; et Jaubertie se régale en dénonçant avec beaucoup d’humour notre indifférence face à ce qui nous menace, et qui dans son texte est déjà arrivé, la sixième extinction des espèces. Il parvient à trouver un juste équilibre entre une dénonciation politique et la drôlerie des visiteurs. Sans perdre de vue la dystopie. Car en ces temps futurs, une puce de confort a été greffée sur chaque individu : plus de mémoire, plus de souvenirs, la démocratie a disparu et personne ne s’en souvient.
Et la visite tourne au burlesque lorsque le public aborde les disparitions plus récentes : le célèbre dodo bien sûr, « l’Homo sovieticus » ensuite, autrement dit le communiste, identifiable grâce à sa moustache, et puis les socialistes : « Ce mâle et ces deux femelles ont été prélevés dans leur environnement, près d’une forêt de la Nièvre. » Eux sont toujours vivants, et leur avenir dépend de la décision du groupe : « faut-il ouvrir ou non la cage ? » L’ensemble est rythmé, très agréable à lire, et nous rappelle incidemment le désastre écologique qui menace et notre possible future disparition.
Patrick Gay-Bellile
Éditions théâtrales, 112 pages, 15 €
Théâtre Espèces disparues ? de Stéphane Jaubertie
septembre 2025 | Le Matricule des Anges n°266
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Espèces disparues ? de Stéphane Jaubertie
Par
Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°266
, septembre 2025.

