Naturellement, on aurait tendance à penser que Christian Prigent cache derrière l’écrivain qu’il est une sorte de dramaturge. Son œuvre, roman ou poésie, toute entière tournée vers le babil transpirant des langues souterraines et pulsionnelles, celle du mental révulsé, de la peau retournée, on la tournerait volontiers vers une sorte de théâtre intérieur que la voix, à bras le corps, sortirait au plein jour, en scandant ses ruminations et ses souffleries, son moteur emballé. Cela constitue bien une dramaturgie, mais elle est dans l’œuvre, proses ou vers, pliée sur elle-même, elle se montre par des biais que l’on ne lui connaît pas ordinairement : pas d’acte, de prologue, de personnage, de descriptif de scène à proprement parler. Glossomanies, sous-titré Sotie en trois tableaux a été écrit, à l’origine, pour un opéra. Ce dernier n’ayant pu être monté, le livret donna naissance au premier chapitre du roman Commencement. Aujourd’hui, la première version est reprise comme pièce de théâtre. Publiée après avoir été jouée au Théâtre-Poème à Bruxelles, elle montre, classiquement, son squelette : premier tableau/ Naissance des voix, deuxième tableau/ Cercle du savoir, troisième tableau/ Cercle du savon. Il y a des figures comme Broudic, Perrigault, le cœur des filles et des garçons, les professeurs Génie, Eugène, Ordinaire et Oginox, la mère Palmolive et Curochrome, la mémé Cadum, des docteurs. Les voix naissent des mioches Broudic et Perrigault, en allitérations, en basculant le son du sens, en maniant follement le corps du babil, en voix quasi-animales, dans une « campagne d’enfance » où « c’est tout vert sous les cieux ouverts ». D’abord ils tapent du pied sur la terre pour faire sortir les vers et le son glissant de leur corps :« Ce qui fut tu au fond se hisse en bruit au trou :/ traduction illico en mots dans nos tuyaux ! ». Ce tapage sera suivi de l’arrivée du Savoir et du Savon. Nos compères vont être aspirés en eux, se battront devant le cadastre de la bonne langue bien "tourniquée&
Glossomanies Éditions de l’Ambedui
(Cité Fontainas 8/43 -B 1060 Bruxelles) 69 pages, 120 FF
Poésie Les bouches bandantes
décembre 1996 | Le Matricule des Anges n°18
| par
Emmanuel Laugier
Un livre
Les bouches bandantes
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°18
, décembre 1996.