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Éditeur L’esprit de la lettre

octobre 2011 | Le Matricule des Anges n°127 | par Éric Dussert

Prose, poésie, essai sur la typographie et les arts, Ypsilon, fondée par Isabella Checcaglini, taille chaque ouvrage à la mesure des écrits qu’il porte.

Après la fermeture en juillet dernier de l’exposition consacrée par le musée d’Ecouen et la BnF au Champ fleury (1529), le premier traité de typographie français de l’humaniste Geoffroy Tory, il paraît justifié de mettre en lumière le travail d’une jeune maison d’édition remarquée par les amateurs de livres « beaux et bons ». Lancée à Paris en 2007 par une jeune Italienne bourrée d’allant, et même d’audace, Ypsilon montre d’ores et déjà qu’elle est le produit d’une méticulosité remarquable.
Née à Foligno en Ombrie, Isabella Checcaglini a très certainement bénéficié des vœux des fées de cette ville d’imprimeurs qui vit paraître la première édition de la Divine Comédie de Dante en 1472. Installée à Paris depuis 1994, elle abandonne des études de mathématiques pour se lancer dans une thèse sur Mallarmé et, mue par une énergie peu commune, aboutit sur les bancs de l’École Estienne, l’école d’arts et métiers du livre, pour mieux comprendre l’économie interne d’Un coup de dés dans l’édition définitive rêvée par Stéphane Mallarmé, une édition utopique… qu’elle finit par produire elle-même, et par ses propres moyens.
Comment on fait un livre, comme il s’équilibre, c’est à ces questions que la jeune femme consacre toute son attention, avec l’aide d’une graphiste, Pauline Nuñez, et de Sébastien Morlighem, le directeur de la collection « Bibliothèque typographique ». Signe positif de l’évolution de la maison, cette série de monographies sur les typographes contemporains est apparue l’an dernier, comme les deux autres collections de la maison, « L’Ymagier », nommée en hommage à Alfred Jarry et dédiée aux beaux-arts, et « Fragile », consacrée à la langue. Cette dernière accueillait l’automne dernier Les Roues carrées, un essai-poème de Jean-Luc Bayard présenté par Paul Otchakovsky-Laurens.

Que représente la typographie pour vous ?
La matérialité du texte, ce qu’on a sous et devant les yeux tout le temps sans s’en rendre compte (affiches, imprimés, panneaux), chaque caractère a une histoire trop souvent oubliée. Aujourd’hui on ne fait plus attention avec quel caractère on compose un texte – je ne supporte plus, par exemple, les livres composés en Times ! Un caractère créé pour la presse, le journal Times… J’aime rappeler que Mallarmé faisait bien la différence entre le journal, la brochure et le livre. Chez Ypsilon chaque livre a sa typographie, c’est-à-dire son format, sa mise en page et son caractère adapté à un texte particulier. J’ai appris à composer un texte aussi bien au plomb mobile que sur ordinateur et j’ai réalisé les premiers livres toute seule. Maintenant je travaille sous la direction et avec la collaboration de Pauline Nuñez, ma chère graphiste… Ainsi la maison d’édition, née pour publier d’abord et principalement de la littérature, s’est enrichie de la « Bibliothèque typographique ».

Vous avez débuté avec audace en éditant le Coup de dés de Mallarmé d’après les traces que le poète a laissées de...

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