Bidiol-en-Toreigne est un village traversé par une rivière dont le lit établit une étrange symétrie dans la vallée. Deux êtres de légende hantent les forêts, un loup-garou et Alphide « le fantôme nu (…) qui s’offrait aux garçons capables de tenir leur membre érigé jusqu’à l aube, de sorte à ce que la rosée ruisselât du gland jusqu’aux bourses ».
Le jeune Buridan est amoureux de Violentina, fille adoptive du Baron de la Roture. Mais selon lui une infirmité le frappe qui lui ôte tout espoir de succès amoureux : il est glabre. Au terme d’une nuit fort agitée pendant laquelle Buridan apparaît nu aux yeux de sa belle, mais aussi des gens du château qui le chassent, notre héros, brûlant de désir, décidé d’aller noyer ses sentiments dans le silence de l’abbaye Saint-Flore. Là, les moines ne rêvent que « fellations et flagellations ». L’explication de cette folie libidineuse se trouve dans la léproserie attenante qui accueille pour seul malade, un dénommé Miétou. Ce dernier est muni d’un phallus énorme qui se gonfle au fur et à mesure des progrès de sa maladie. Un matin, Buridan découvre les religieuses : « (elles) dénudèrent leurs croupe et chevauchèrent ce madrier de peau tendue qui vibrait comme l’échine d’un cheval. Elles se frottèrent longuement sur toute sa longueur pendant que l’écuyère de tête mordait le gland. ». Incapable, dans une telle atmosphère d’oublier sa belle, Buridan décide d’aller sur le flanc opposé, vers ce lieu de débauches que domine le château de la Ferté-Moire. Dans l’ivresse charnelle des amours mondaines, L’image de l’aimée parviendra peut-être à se dissoudre. Le chevalier de la Ferté-Moire est rongé par un malheur : sa femme qu’il aime éperdument est insensible à tous les plaisirs charnels. Aussi se plonge-t-il, à l’aide de son « fantamastoscope » dans le spectacle de tous les vices. Pour lui des couples s’assemblent "selon les possibilités mécaniques permises par le squelette et les muscles, pour lui une lilliputienne s’accouple avec un lévrier. Tous les fantasmes ont cours dans le château sans pour autant arracher le chevalier à sa mélancolie.
Sodomie, zoophilie, monstre, fantôme, végétation, tout est au service d’une sexualité débridée qu’Hubert Haddad décline avec bonheur. Loin de l’érotisme violent et morbide de Bataille, c’est là un conte d’une étonnante sensualité, où la phrase, dans le livre, joue le rôle des caresses en amour. Le moine bibliothécaire de l’abbaye donne d’ailleurs l’occasion d’une métaphore entre le livre et le corps d’une femme offerte. Si à rebours, nous devions faire de même, c’est à une femme très douce et sensuelle, pourvue de bien des charmes que nous comparerions L’Ame de Buridan.
L’Ame de Buridan
Hubert Haddad
Zulma, coll Vierge-Folle
94 pages 75...
Dossier
Hubert Haddad
Le désir enragé
novembre 1992 | Le Matricule des Anges n°1
L’érotisme décliné à tous les modes, une phrase fluide et caressante : c’est L’Ame de Buridan, le dernier Haddad.
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