Etre un homme sans mémoire, certains y verraient une bénédiction. Celui dont le passé s’efface, renaît chaque jour innocent. C’est l’histoire d’un tel homme que relate le premier roman d’Edmond Agabra. Le narrateur, à qui son passé échappe, travaille chez un éditeur en tant que « nègre » spécialisé, paradoxalement, dans les mémoires de stars. Mais la fermeture de la maison d’édition va le renvoyer à sa solitude, celle d’un écrivain face aux mots. Commence alors un étrange voyage vers l’enfance où réalité et imaginaire s’entrelacent insensiblement. Edmond Agabra, né à Bucarest d’une famille kurde émigrée en Roumanie, a choisi le français pour décrire l’empreinte du passé sur la vie d’un homme. Vivre sans mémoire n’est pas un bonheur, c’est un leurre ; un thème superbement décliné par Agabra. Mais comment ne pas être dérouté, et parfois agacé, par l’absence constante de repères entre le réel et l’imaginaire, par l’incohérence apparente des épisodes qui se succèdent jusqu’à la révélation ultime dans les derniers instants du roman ?
Et pourtant, l’auteur rend cet itinéraire obsédant. Agabra manie diablement bien la langue française et les images. On voit, on sent, on ressent, on touche ces chimères, ces monstres, ces personnages, ces paysages. L’Enfant de papier est de ces romans qui survivent dans un coin de la mémoire.
L’Enfant de papier
Edmond Agabra
Phébus
230 pages, 118 FF
Domaine français La mémoire perdue
janvier 1993 | Le Matricule des Anges n°3
| par
Valérie Bénaïm
Un livre
La mémoire perdue
Par
Valérie Bénaïm
Le Matricule des Anges n°3
, janvier 1993.