Ce qui frappe d’abord dans Port-Soudan, c’est l’impeccable pureté de la langue qui vient jouer sur les paysages du roman comme une lumière d’après orage révèle le calme retour à la vie. C’est l’attention portée aux descriptions, comme une concentration extrême vis à vis de tout ce qui reste visible encore d’un monde d’où l’on (s’)est exclu. Le narrateur reçoit l’annonce de la mort de son ami A. avec qui il avait « partagé de grandes et vagues espérances » 25 ans plus tôt. A., est devenu écrivain, notre narrateur, lui, a choisi la navigation : « Il nous semblait, je suppose, à l’un comme à l’autre, que ces activités périphériques et hasardeuses ne trahissaient pas complètement la vaste rêverie qui nous avait tenus si longtemps occupés.(…) C’étaient de mauvais choix, des métiers sans avenir. On ne s’en relèverait pas. » La disparition de A. va conduire le narrateur à tenter de reconstituer les derniers jours de son ami. Reconstituer : le mot est juste. L’écriture est la voie de la guérison, et le narrateur ne peut s’empêcher de la prendre sans trembler. A Paris, il découvre les raisons que A. avait de croire encore au monde : des tennis blanches, une jupe à carreaux noirs et blancs ; indices d’un bonheur partagé avec une femme, une équilibriste qui hésitait entre la gravité et le rire, la légèreté et le sérieux, l’émotion et la sécurité. D’elle, on ne saura presque rien, sinon qu’elle devait être belle, et surtout qu’elle portait, si frêle, tout le poids de cet amour dont A. était encore capable. Mais l’amour, aujourd’hui, est-il peut-être une charge. D’elle, on sait surtout qu’elle a quitté A.- l’a trahi pense le narrateur - et que la perdant A. perdait le monde. Olivier Rolin trace le récit d’une rupture dont les protagonistes sont absents. Avec une retenue qui tient de l’ascèse, il retrouve le point où tout lâche : l’amour, l’utopie, les illusions. Et encore, si la rupture avait été violente, passionnée, pleine de ces sentiments dont on fait des livres, si la séparation avait été le fait de la m
Port-Soudan
Le Seuil 125 pages, 75 FF
Dossier
Olivier Rolin
En exil de soi-même
octobre 1994 | Le Matricule des Anges n°9