L’aisance de l’écriture, la maîtrise du sujet et les multiples registres dans lesquels s’épanouit ce livre, sont tels qu’il est étonnant de voir en quatrième de couverture la mention de « premier roman ». Moins surprenante est la bibliographie de Louis-Charles Sirjacq, connu pour ses œuvres théâtrales publiées entre autres à l’Arche ou aux éditions Compact -des références qui sans aucun doute seront fort utiles aux lecteurs séduits par ce roman savoureux, intelligent et drôlatique : un tel livre ne peut pas ne pas avoir de précédents.
« On peut vraiment raconter n’importe quoi aussi bien que quoi que ce soit. Toute la vie passée se résume en une suite étroite de situations identiques ». Le narrateur de Comment j’ai tué mon chat prend ainsi la plume. Une « épreuve » écrite dont il connaît fort bien les limites pour ne pas dire le dérisoire fondement, mais dont il attend malgré tout quelque apaisement : « Je parle aujourd’hui pour empêcher les ombres familières de prendre la nuit des formes inquiétantes ». À l’origine donc de cette singulière confession, un prétexte si lourd de sens : la mort de sa chatte, un accident bête et regrettable. Béatrice, c’est son nom (oui, il est bien question de Dante), tombée du septième étage de l’immeuble est morte sur le coup. Ce sont des choses qui arrivent… Seulement, sans en être tout à fait certain le narrateur pense être l’auteur du crime. En puisant dans ses souvenirs plus ou moins vivaces, il décide de relater les épisodes de sa vie qui lui semblent contenir les signes avant-coureurs de cet acte barbare et incompréhensible.
On savait la relation de l’homme au félin domestiqué très liée à l’amour et à l’érotisme. On découvre à travers le récit du narrateur jusqu’où cela peut aller. Comment par exemple, la présence d’un chat dans un foyer peut conduire un couple à se séparer -le narrateur culpabilisé après la castration de sa chatte, refuse toute relation sexuelle avec sa compagne- ou comment au contraire le couple pour la même raison peut être amené à se ressouder -la chatte devenue malade à cause de leur séparation, oblige le narrateur et sa compagne à revivre sous le même toit. On découvre par-dessus tout l’humour noir, gris, rouge, polychrome de Louis-Charles Sirjacq et on réalise à quel point la dérision, la folie et la littérature font parfois bon ménage.
M-L. P
Comment j’ai tué mon chat
Louis-Charles Sirjacq
L’Olivier
203 pages, 129 FF
Domaine français la langue au chat
septembre 1996 | Le Matricule des Anges n°17
| par
Marie-Laure Picot
Un livre
la langue au chat
Par
Marie-Laure Picot
Le Matricule des Anges n°17
, septembre 1996.