Dos carré, couverture quadri : pour un peu, on ne reconnaîtrait pas la revue trimestrielle Décharge, couverte il y a peu encore d’un papier kraft qui affichait son ambition de rester modeste et artisanale. Arrivée à cet âge canonique malgré les marées plus souvent basses que hautes, la revue de Jacmo s’est offert le luxe d’un mariage de raison qui n’exclut pas la passion.La centième livraison ressemblait un peu à un album de famille à feuilleter la larme à l’œil.Le regard dans le rétroviseur faisait un peu contre nature pour une revue habituée à découvrir de nouveaux talents.Certes, ce numéro anniversaire est un formidable outil pour explorer le temps de la poésie (on en croise quelques-uns qui ne font toujours pas leur âge).Le numéro 101 de mars (Décharge avance plus vite que nous) est un nouveau départ malgré le pessimisme tendre de Jean-Pierre Georges qui vient d’être nommé chroniqueur (« Ma vie, ça fuit quelque part »). Côté sang neuf, le couple Valérie Rouzeau-Jean-Pascal Dubost, apporte leur contribution par un dossier consacré à Sabine Macher dont on a déjà salué l’immense talent. La revue nous offre, inédit, un extrait d’un texte écrit comme un journal : pour marquer le temps. Le ton drolatique de la revue a trouvé son écho chez Alain Kewes qui parvient à comparer le travail sur Internet « aux stages de poterie-peinture sur soie de (ses) plus belles années ». Les différentes chroniques ont en commun cette bougonnante fraternité qui se sauve du sérieux par un humour et un style toujours sans fard. Mais, ce qui rend probablement indispensable Décharge c’est sa mine d’informations éditoriales, côté petites structures et revues de têtus.Jacmo himself s’y colle et l’on découvre de nouveaux noms, des adresses de revues dont on ignorait l’existence. Il est vrai que quelques dizaines d’années à porter le flambeau revuiste finit par faire de votre carnet d’adresses l’exact contraire de votre portefeuille. Côté création, on appréciera le Tout arrive de justesse du dernier lauréat du prix Max-Pol Fouchet, Bruno Berchoud qui rejoint la cohorte des poètes du quotidien habitués à Décharge, une jolie strophe d’Eliane Bélaud (« Je me tais/ en pliant les mots/ sous la langue/ le silence s’apprend »), la petite prose de Mathias Richard qui fait songer à Nathalie Quintane (« parfois on ne sait plus si on voit un chien noir écrasé ou un cadavre de pneu ») et surtout les courtes « légende(s) de quatre murmures » d’Yves Artufel.C’est justice de consacrer quelques pages à ce poète dont la voix hésite entre l’aube et le crépuscule.
Décharge 96 pages, 40 FF (!) Abt : 130 FF
Jacques Morin
3, rue d’Auxerre 89560 Courson-les-Carrières
http://www.multimania.com/decharge
Revue Décharge, la vieillle dame
mai 1999 | Le Matricule des Anges n°26
| par
Thierry Guichard
En passant le cap du centième numéro, la revue de Jacmo s’offre une cure de rajeunissement en se mariant au Dé bleu. Pour le meilleur ?.
Un livre
Décharge, la vieillle dame
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°26
, mai 1999.