L’ouvrage de Susanna Tamaro est singulier. Facile d’accès, il n’est pas réservé aux adultes et interroge pourtant sur des questions essentielles. L’enfant y trouvera de nouveaux horizons à explorer à travers les difficultés pourtant très ordinaires d’une petite fille. Son histoire mêle réalisme cruel et parcours initiatique. Martina (alias Miette) a huit ans et vit avec ses parents dans un immeuble à la périphérie d’une ville. Délaissée, Miette s’est construit son propre univers loin de l’indifférence familiale et de ses camarades de classe qui la surnomment « Muette ». Persuadée d’être mal-aimée et rejetée, la petite fille s’est en effet réfugiée dans une apparente indifférence aux autres et aux préoccupations du quotidien.
C’est que Miette se pose des questions auxquelles personne ne semble s’intéresser. Pourquoi apprend-on à l’école la géographie des Alpes quand elle aimerait mieux savoir « où vont les gens quand ils sont morts ». Heureusement son grand-père lui a appris à écouter la voix des choses et elle peut dialoguer avec les arbres et les animaux.
C’est qu’avec lui, Miette ne parle pas les mots de tout le monde : au lieu des « mots-flèches » de ses parents et des « mots-confusions » de l’école probablement importants mais qui ne veulent rien dire, son grand-père lui a appris les mots qui ouvrent les portes et il lui conseille de trouver par elle-même derrière les apparences les réponses à ses interrogations. Surtout, ensemble ils jouent à de drôles de jeux ; comme celui où l’enfant est Tobie, un chien abandonné que le grand-père adopte.
Pourtant un jour il ne vient plus lui rendre visite et Martina s’imagine que lui non plus ne l’aime plus. Ses parents ayant déserté la maison après une violente scène de ménage elle décide de partir elle-même en quête de son destin. Désespérée et choquée d’être ainsi abandonnée des siens, la fillette va errer dans les magasins et ne trouvera qu’un container à poubelle pour se protéger du froid et de la nuit. Une clocharde la découvre au milieu des détritus et l’emmène vivre avec elle parmi tous les objets jetés. Mais à nouveau seule, le hasard la mène chez un étrange personnage : un ange qui lui apprendra qu’il faut perdre les choses pour comprendre leur importance. Sa quête initiatique sera ainsi réalisée en découvrant que son grand-père, malade, n’avait pu lui rendre visite et que ses parents sont très angoissés par sa disparition.
Dans un style simple et très fluide, le livre aborde des thématiques qui préoccupent les jeunes lecteurs comme la mort, la solitude ou la misère.
Les enfants trouveront dans le refus des faux-semblants et l’immense besoin de comprendre de Miette un écho à leurs propres désirs d’authenticité.
Son désespoir face à la dérive de sa famille, le regard sans complaisance qu’elle porte sur les adultes comme sa fuite et sa vie de Robinson séduiront les adolescents en révolte.
On reste toutefois désemparés face au dénouement ; la nécessité montrée à l’enfant de trouver à l’intérieur d’elle-même les réponses à ses préoccupations donne au récit un réel intérêt mais l’intrusion mystique de l’ange venu sauver l’enfant et lui permettre de recomposer sa famille transforme l’ouvrage en flot tiède de bons sentiments. Avec, en écho, la simplicité des illustrations de Gabriella Giandelli au graphisme naïf et délicat.
Tobie et l’ange
Susanna Tamaro
Traduit de l’italien
par Marc Voline
Seuil
129 pages, 85 FF
Jeunesse Sur le chemin du destin
mai 1999 | Le Matricule des Anges n°26
| par
Béatrice Bénistant
Entre réalisme et mysticisme, l’Italienne Susanna Tamaro met en scène la fugue d’une jeune enfant désemparée. Sa solitude en bandoulière.
Un livre
Sur le chemin du destin
Par
Béatrice Bénistant
Le Matricule des Anges n°26
, mai 1999.