Ouvriers vivants
La vie, c’est pour tout le monde« , proclame un tract des ouvriers sans papiers des foyers. Dans Ouvriers vivants, neuf écrivains cherchent à dévoiler la réalité de ce qui se cache derrière des mots de notre langue, comme »immigré« , »clandestin« , »célibataire". Partis dans les foyers à la rencontre de ces hommes en lutte pour affirmer leurs droits, aucun d’eux n’a cessé d’être écrivain, poète, dans cette action toute politique continuant son travail dans la langue, ne se contentant pas ici de livrer témoignage, mais écrivant, chacun dans sa manière, pour pervertir, pour subvertir la langue officielle, normée, normale, pour qu’un peu de réel vienne au jour.
« Tu es mort, non, je suis vivant », ainsi commence le texte de Christophe Tarkos, affirmant une évidence, reconnaissant à cette vie le droit d’être considérée dans sa foncière vitalité, dans le martèlement de ces phrases puisant à sa source, en restituant la pulsation.
Simplement dire ce qui est, et accentuer ce dire, pour que ce qui est soit mieux vu, mieux entendu : dire comment ces ouvriers vivent, entre l’Afrique et ici, ici avant tout, mais dans un sentiment d’étrangeté, dans une illégalité qui leur est irréelle, tant leur travail, lui, est bien réel, tant leur vie ici ne cesse pas d’être une vie.
Dire, c’est-à-dire parler. Car dans cette parole qui d’ordinaire ne nous parvient pas tout est peut-être déjà dit. Katalin Molnar notamment reprend les phrases utilisées dans les tracts et journaux des sans papiers : « un ouvrier égale un ouvrier, on se sent comme tout le monde car on est comme tout le monde ».
Car certaines évidences sont bonnes à dire : c’est sans doute toute la nécessité de ce livre, que de nous en restituer la part de scandale.
Ouviers vivants
P. Beck, J.-M. Gleize,
J. Lapeyrère, La Rédaction,
V. Maestri, N. Michel,
K. Molnar, C. Pennequin,
C. Tarkos
Éditions Al Dante
90 pages, 90 FF