Voici un roman qui laisse pantois, bouleversé, ému. Coup de maître mais pas coup d’essai puisque l’auteur a déjà derrière elle une œuvre d’écrivain où parmi les romans pour la jeunesse il faut citer le très beau Ça t’apprendra à vivre (Le Seuil). Les Demeurées sont La Varienne (on devine d’où vient son nom), idiote du village qu’un ivrogne un jour enfanta, et Luce le fruit de cet amour très éphémère. La mère et la fille n’échangent pas de parole dans la petite maison où elles vivent recluses. Jusqu’au jour où Luce doit aller à l’école. Le monde que leur deux solitudes avaient fondé menace alors de se fissurer devant l’insistance avec laquelle l’institutrice passionnée tente d’aider Luce à acquérir le langage. Face à l’extérieur, jugé menaçant, la fille et la mère vont découvrir ce que c’est que l’amour, un amour originel, instinctif, mystique. Il ne faut pas en dire plus. Le roman avance dans une tétanie de silence, dur et tendu vers ce mystère bouleversant que les mots livrent quand, pour la première fois, on les comprend. Et vers ce mystère innommable qu’est l’amour quand il peut se passer du monde.
Denoël
84 pages, 59 FF
Premiers romans Les Demeurées
janvier 2000 | Le Matricule des Anges n°29
| par
Thierry Guichard
Un livre
Les Demeurées
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°29
, janvier 2000.