En 1943, malgré ses efforts, un étudiant en lettres d’origine bourgeoise n’échappe pas au S.T.O. (service du travail obligatoire).
Il est emmené en Allemagne, ses humanités sont interrompues, les jeunes filles deviennent plus lointaines, les livres trop rares. C’est l’usine du matin au soir. Le labeur est fatigant, et la nourriture insuffisante. Loin des camps de la mort, l’horreur est là aussi.
De ses parents, par des lettres, des colis, de l’argent, ce grand adolescent attendait tout le réconfort possible. Il leur écrivait. Sa mère et son père lui adressaient des lettres affectueuses et tentaient de l’aider. Du fait de certain retard du courrier, l’enfant s’est cru parfois délaissé et leur en a fait reproche. Il s’en veut encore de n’avoir pas été assez confiant.
Le livre est composé de la correspondance conservée et des commentaires récents de l’auteur, qui éclaircit les obscurités, explique ses sentiments et se reproche ses impatiences, pourtant bien compréhensibles.
Ces lettres ont dû franchir une censure, laquelle s’avère inefficace, puisque le fils peut déconseiller au père de fréquenter Jojo (soutenir Pétain) et l’engager à abandonner sa fonction de maire d’une petite localité. Son père et sa mère lui permettront de se réjouir des « maux de tête de Marcel » (les bombardements de l’Allemagne) ou de « l’arrivée de Lucien chez Maurice » (le débarquement anglo-américain en Italie) tandis que lui semble mieux au courant des succès de Léopold (les victoires russes).
José Cabanis, critique envers soi, nous aide à nous demander comment nous aurions réagi à une telle captivité en nous livrant un élément d’un dossier douloureux dont on souhaiterait qu’il appartienne résolument au passé.
Lettres de la Forêt-Noire (1943-1998)
José Cabanis
Gallimard
160 pages, 85 FF
Domaine français Retour sur courrier
juillet 2000 | Le Matricule des Anges n°31
| par
Jacques Goulet
Un livre
Retour sur courrier
Par
Jacques Goulet
Le Matricule des Anges n°31
, juillet 2000.