Haut-lieu de l’architecture des années folles, la piscine Molitor était unique avec ses lignes gracieuses et ses cabines. Elle ne pouvait manquer de séduire une lycéenne qui deviendrait peintre et décoratrice. Désormais disparue après des années d’abandon, Molitor n’aura pas dérogé à son rôle. Elle est restée ce sanctuaire des amours adolescentes où Laure Fardoulis jouissait de sa liberté dans l’amitié d’une bande de copains. Avec le temps, la bulle de bien-être s’est transformée en un mausolée où la mémoire est incrustée. La piscine est devenue une métaphore de la jeunesse.
Contrairement à ce qu’indique la couverture, La Piscine Molitor n’est pas un roman. C’est une chronique des années lycée dont les épisodes surgissent dans le désordre. Fragmentés comme une journée au bahut et dépeignés comme les amours juvéniles. Le récit a le débit capricieux, la complaisance de cet âge, les redondantes sautes d’humeur des microsillons où chantent Elvis et Jimmy Hendrix. En pointillés, les stratégies de séduction dans l’enceinte de la piscine et les déambulations des jeunes gens dans une ville un peu mystérieuse, le « vieux monde » des adultes. « Nous habitions les lieux avec une dimension animale. Animales et sensuelles habitudes des rues, avenues, terrains. » Mythologie parisienne, affects et aspirations juvéniles, motos.
La famille de Laure Fardoulis campe derrière la rare préface de Jacques Abeille. Son père d’abord, l’écrivain Michel Fardoulis-Lagrange incapable d’autorité parce qu’immergé dans les idées. Et puis ses prestigieux amis, Robert Lebel, Isabelle Walberg, André Breton, Éric Losfeld et Georges Bataille, « l’ami présomptueux ». Evidemment pour Laure priment Jules l’amant, les copains éparpillés et le frère comédien dont elle retient les fantômes. Écrire est parfois la conséquence de l’amour de soi, pénétrer les souvenirs d’autrui réclame toujours l’oubli de sa propre personne.
La Piscine Molitor
Laure Fardoulis
Joëlle Losfeld
129 pages, 90 FF
Premiers romans Le bleu de l’eau
septembre 2000 | Le Matricule des Anges n°32
| par
Éric Dussert
Un livre
Le bleu de l’eau
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°32
, septembre 2000.