Les livres d’Erri de Luca ont la saveur du papier d’Arménie : discrets, fiers, entêtants. Ici, au début, une rencontre : un jardinier et une prostituée. De leur amour s’élève peu à peu l’évocation d’un passé brûlé, celle d’une « guerre vagabonde » que l’homme mena contre la dictature militaire en Argentine. Sa femme y fut assassinée. « Je ne suis pas le patron du temps, je suis son âne », dit le narrateur. L’écrivain, de sa prose pure, lumineuse, fragmentée, interroge le destin de l’homme et le sens de l’engagement. Livre des adieux, ce roman est aussi celui d’une lente percée vers la découverte de soi, au cœur des êtres, au toucher des choses. Notre vie, paraît-il, équivaut à celle de trois chevaux. Mais maintenant, « où bercer un sommeil de salut » ? Lire de Luca, ancien militant de l’extrême-gauche italienne, commentateur de l’Ancien Testament, c’est comme la poignée d’eau qui file à travers les mains. Le peu que l’on attrape est un trésor.
TROIS CHEVAUX
de Erri de Luca
Traduit de l’italien par Danièle Valin, Gallimard - 120 pages, 85 FF
Domaine étranger Trois chevaux
avril 2001 | Le Matricule des Anges n°34
| par
Philippe Savary
Un livre
Trois chevaux
Par
Philippe Savary
Le Matricule des Anges n°34
, avril 2001.