Le Début de l’A. met en jeu Le Parisien à la flèche et La Contactée, « La contactée c’est mon nom celui que mon amant m’a donné quand à New York il s’est adressé à moi la contactée c’est moi je suis celle que son désir a contactée et auquel le mien de désir s’est connecté à lui ». Entre les deux, une belle histoire d’amour avec un grand A. Un A.mour éternel, de plusieurs milliers d’années. Le théâtre contemporain ne s’aventure plus souvent dans ces turbulences amoureuses. Roméo et Juliette n’ont pas beaucoup de successeurs et encore moins de successeurs adultes. L’Amour est-il devenu plus une affaire de cinéma que de théâtre ?
Le Début de l’A. prouve le contraire. Les séquences se suivent, rapides. Les toutes premières mettent en jeu, l’attente, la distance qui sépare deux amoureux, l’un à Paris, l’autre à New York. Puis les retrouvailles, à l’aéroport, à Prague, dans le Sud… Enfin l’accident, l’A.mour « du début de l’A.mort », le mythe de l’ A.mour éternel.
La langue de Pascal Rambert est musicale. Le texte peut parfois conduire au chant. Certaines séquences sont d’ailleurs présentées comme des refrains.
L’écriture offre apparemment une belle liberté de jeu, mais elle demande également une grande invention. Les deux protagonistes peuvent se répondre en échos à des milliers de kilomètres l’un de l’autre, ou bien se parler jusqu’à la jouissance ou encore être morts et se parler toujours et encore « dans le début du silence ». C’est un drôle de corps à corps à inventer sur scène.
La langue ne s’appesantit pas. Cet enchaînement de séquences permet toutes les ruptures, toutes les énergies. Ces séquences sont comme des fragments. En cela, la référence au cinéma avec la notion de plans qui s’enchaînent, est très présente. Certaines répliques en les lisant, on aimerait d’emblée les proférer. Par exemple : « Ma fente c’est ta maison ton hôtel l’aéroport où tu me trouves quand tu viens me chercher ton propre toi-même ton cachot ta soute d’esclave blanc en sueur toi rameur moi coque creuse où tu viens en baver » ou bien encore : « quand tu arriveras mon amour on aura vu mille ans courir sur le fil du temps des hordes de gazelles des biches et cent goélands auront croisé ma démarche légère vers toi des vagues de flamands bleus des aigrettes des rossignols dormiront sous l’ombre géante des avions le rhinocéros la grue le grand cerf on les verra immobiles à Roissy sur la terrasse des Arrivées(…) »
Dans une auto-interview trafiquée, Pascal Rambert raconte : « C’est… Comment dire… Je voulais… En fait on ne devrait pas parler des pièces. On devrait se taire. Avant et après. Disparaître. Emporter avec soi ce que l’on a vu. La boucler. Et dormir avec. Plusieurs jours. Et après peut-être… on pourrait (inaudible). Oui, ça ça serait bien. »1 Il suffit de changer le verbe voir par lire et d’inviter le lecteur de cette rubrique à la lecture du Début de l’A.. Ensuite, peut-être, on pourrait…
Le Début de l’A.
Pascal Rambert
Les Solitaires intempestifs
70 pages, 7,62 € (50 FF)
1Extrait de LEXI/textes 5, un livre consacré aux auteurs dont les oeuvres sont présentées en 2001/2002 au Théâtre National de la Colline. L’Arche, 406 pages, 14,20 € (93,15 FF)
Théâtre L’A.mour, A.mort
décembre 2001 | Le Matricule des Anges n°37
| par
Laurence Cazaux
Pascal Rambert signe une pièce comme "un baiser glacé brûlant qui fond", une ligne de rupture entre fusion et disparition. Un corps à corps à inventer sur scène.
Un livre
L’A.mour, A.mort
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°37
, décembre 2001.