Comment occuper ses après-midi lorsqu’on se retrouve seul ? Dehors, le monde s’active. En soi le temps s’arrête. C’est à cette question que répond le recueil de nouvelles de Fabienne Jacob. L’auteur, originaire de Lorraine, a puisé dans un décor postindustriel, pour situer certains de ses personnages au spleen bien ancré. Dans « Forbach-Saarbrücken », une femme rend visite à son père hospitalisé. Elle repense avec nostalgie à sa jeunesse dorée passée dans « cette région que personne n’aime », pourtant chère à son cœur. Pas question toutefois pour l’écrivain de tomber dans les stéréotypes : pour elle, le décor ne détermine pas l’humeur. Seul compte l’état d’esprit et ce « temps élastique, ce temps de boomerang » qui pousse aux bilans et convoque les souvenirs. À la montagne (« Résistance des matériaux »), en Italie (« Ragazzi ») et même en Inde (« Udaïpur »), le spleen guette. Le moindre village peut devenir « la capitale internationale de l’ennui, la ville où tous les jours sont des dimanches ». « Des tas de petits désastres supplémentaires » s’accumulent jusqu’aux idées morbides lorsque l’existence interrompt subitement « le cours de son évidence niaise ». Seule lueur d’espoir, « Ceux de Saint-Germain-en-Laye », ultime nouvelle du recueil, qui décrit avec douceur les premiers émois d’une jeune fille au cours d’un après-midi surchauffé, « l’été se languissant sur un abreuvoir en métal blanc ». Fabienne Jacob a conçu ce premier recueil comme un ensemble unitaire où expressions et thématiques se retrouvent d’un texte à l’autre, se complètent avec habileté, par tranches de vie interposées.
Les Après-midi ça devrait pas exister
de Fabienne Jacob
Buchet Chastel, 113 pages, 12 €
Domaine français Après-midi de chien
mars 2004 | Le Matricule des Anges n°51
| par
Franck Mannoni
Un livre
Après-midi de chien
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°51
, mars 2004.