Pierre Guyotat à carnets ouverts
C’est dans un salon du somptueux hôtel Bedford, situé non loin de La Madeleine, en face des bureaux des éditions Léo Scheer que Pierre Guyotat nous a reçus. Le lieu, où s’active un personnel impeccable de discrétion et de gentillesse, est à mille lieux de ceux que l’œuvre de notre hôte met au monde. Affable, Pierre Guyotat répond (et digresse) aux questions qu’on lui pose en regardant devant lui un point dans l’espace. Son sourire, parfois, s’amuse à laisser pointer une sorte d’ironie tendre. Plus prolixe à parler des autres, notamment des écrivains (Rimbaud, Camus, Malraux et un certain Simenon recevront durant l’entretien leur couronne de lauriers), l’artiste (il préfère ce terme à celui d’écrivain) prend toute ouverture du discours pour une échappée belle : l’Irak, la constitution européenne s’invitent dès lors à un entretien où ils n’étaient pas convoqués. C’est probablement que se mêlent en lui un peu de l’intellectuel qu’on voudrait qu’il soit lors de certaines rencontres (pour éviter d’affronter l’œuvre ?) et beaucoup de l’enseignant qu’il est devenu depuis peu avec ses « leçons sur la langue française » qu’il dispense à quelques étudiants de Paris VIII et aux lecteurs de La Revue littéraire. Le ton de la voix est posé, doux et se laisse couvrir parfois par les aigus d’une femme qui raconte sa matinée à son téléphone portable. L’entretien terminé, dans les rues qui partent de la place de La Madeleine, Pierre Guyotat s’extasiera sur la beauté lumineuse d’un soir de mai. Un émerveillement à la hauteur des enthousiasmes successifs qu’il fit entendre à l’évocation de tel ou tel écrivain aimé.
Trois livres sortent simultanément dont une biographie volumineuse. Vous avez participé à l’élaboration de cet essai biographique ?
Non, j’ai seulement ouvert mes archives sans aucun contrôle. Je n’y ai rien retiré auparavant. Catherine Brun a eu accès aux archives déposées alors à l’IMEC pour l’essentiel et à celles qui sont encore chez moi.
J’ai eu connaissance de la première version de l’essai au mois de novembre. J’en ai fait une lecture rapide. La composition animée, mouvementée, de cet essai biographique m’a d’abord pris de cours : sur une période, Catherine ne traite pas « tout » tout de suite, or moi qui connais un peu ma vie, je m’étonnais de ne pas trouver certaines choses. Mais en fait, quand je lisais plus en avant, je trouvais ce qui m’avait paru manquer. Il fallait donc que je refasse une lecture en détail avec quelqu’un qui ne connaissait pas ma vie, et Léo Scheer a demandé à Florent Georgesco, secrétaire de La Revue littéraire de bien vouloir m’aider. Nous avons tout relu durant trois mois. Ensuite Florent a transmis nos suggestions et quelques corrections de dates ou de faits à Catherine. Je n’ai pas encore lu la version définitive.
Le premier volume des Carnets qui paraît, n’est-il pas en soi plus impudique dans la mesure où il révèle le cheminement de l’écriture et des images sur quoi elle se...