Voici qu’à la veille de l’élection présidentielle, trois romanciers, membres de la revue Inculte à qui on doit aussi la parution récente de Devenirs du roman (Naïve, 2007) reviennent sur trois événements qui ont marqué l’année écoulée. Du non au référendum sur la constitution européenne aux manifestations anti-CPE en passant par l’ « embrasement des banlieues », François Bégaudeau, Arno Bertina et Oliver Rohe font leur miel littéraire des soubresauts récents de notre société. Une année en France n’est cependant pas à proprement parler une analyse philosophique ou politique. Les trois écrivains ont plutôt choisi de revenir sur ce qu’ils ont vu (simples témoignages de leurs déambulations parisiennes et printanières), entendu (des élucubrations nauséabondes de certains philosophes aux reportages télé), lu (dans la presse ou dans les livres). Non sans un esprit ludique, les trois amis ont collecté des bris multiples d’un réel plus complexe que celui qu’on nous présente généralement. Le livre, dans sa dimension fragmentaire, offre ainsi plusieurs angles d’approche d’événements plus souvent parisiens ou banlieusards que provinciaux. Il ne s’agit pas tant de prendre du recul qu’au contraire, s’immerger dans les énergies qui valurent quelques moments forts de la vie française. Le livre on allait écrire : le roman accepte d’être lu avec une rapidité que l’austérité de son titre et sous-titre (« référendum/ banlieues/ CPE ») ne laissait pas soupçonner. C’est alerte, contrasté dans les différents modes d’approche du réel, jouissif parfois. On pourrait reprocher cependant à l’entreprise de ne pas aller plus loin. Le réel en partie restitué, le temps n’est-il pas venu de tenter d’y développer une pensée libérée des humeurs, émotions, craintes, fantasmes et autres parasites ? Car Une année en France fait remarquablement ce toilettage en se moquant de ceux qui ne réfléchissent qu’à partir d’un réel passé au filtre de leurs terreurs, dogmes ou a priori. Rendu, peu ou prou, à lui-même, l’événement échappe dès lors à une pensée globalisante qui n’aboutit généralement qu’à l’alternative qu’on nous assène : droite ou gauche ? C’est donc là le mérite du livre que de nous ouvrir le champ de la réflexion. Reste qu’un livre comme celui-ci devrait avoir un rôle apéritif. Ses auteurs ne diront pas le contraire…
Pourquoi avoir fait ce livre, qui vous éloigne un peu (encore que…) de la littérature ?
Tout est dans le « encore que ». Nous n’avons pas le sentiment que ce livre nous éloigne de la littérature, quand bien même le sujet en serait plus référencé, plus en lien avec l’actualité. Si ce livre nous éloigne de la fiction (encore que…), il ne nous éloigne pas de la littérature. Nous semble-t-il. Puis les questions levées par le référendum nous ont passionnés et l’idée d’y travailler est très vite allée de soi. Ce n’est que dans un second temps que le fait d’être romancier est intervenu comme une donnée de ce travail, et une force (encore que…) JbrJ...
Entretiens Les potes utiles
avril 2007 | Le Matricule des Anges n°82
| par
Thierry Guichard
Un trio de romanciers revient sur les événements politiques d’une année en France et sort leur représentation de l’ornière médiatique. Dans un bel exercice de pensée joyeuse.
Un livre