Comme beaucoup d’écrivains scandinaves, Lars Norén, né en 1944, a commencé par écrire des poèmes. À 20 ans, c’est l’hôpital psychiatrique, diagnostic : schizophrénie.
Il ne cesse pour autant d’écrire. Des romans dans les années 70 tout en continuant l’aventure poétique. Puis il délaisse peu à peu ces deux formes au profit du théâtre. Il est également aujourd’hui un directeur de
théâtre très engagé.
Cela provoque une grande tension de lire Lars Norén, on en ressort dans un état presque halluciné. Dans les deux pièces publiées par l’Arche, l’auteur met en jeu une humanité abîmée, par la mort dans Tristano et la folie dans Crises.
Tristano se situe à la fin d’un banquet. Sept convives se laissent aller à se raconter. Leur conversation débute banalement : « Qu’est-ce que vous avez fait cet été ? » Mais très vite le propos dérape, se met en boucle, les pertes de mémoire et de sens surgissent, d’où l’obligation de se présenter régulièrement, en évoquant son métier. L’agressivité explose sur quelques répliques, le racisme parfois aussi, sous le regard d’un enfant-fou qui grimace. Une interrogation demeure : « On n’est pas morts ?/ Non, pourquoi on serait morts ?/ En fait, on ne peut pas en être sûrs. » La pièce semble interroger en effet nos sociétés dans ce qu’elles ont de plus mortifère avec la pesanteur et la perte de sens qui en découlent.
Crises se passe dans le foyer d’une clinique psychiatrique, ils sont quatorze personnages, toute une humanité, en rupture avec le dehors, mais d’une grande lucidité les uns envers les autres. Là encore, la pièce fonctionne comme un miroir de notre société, il est question du parfum de l’abandon et de la peur, les grandes maladies d’aujourd’hui… Les paroles se heurtent, s’interrompent, se hurlent, se dévoilent, se brisent. C’est dense, à l’extrême, ça nous bouscule en posant la question de la folie de notre monde et de sa vitalité.
Tristano (texte français Katrin Ahlgren et Claude Baqué) et Crises (texte français Arnau Roig-Mora, Jean-Louis Martinelli et Camilla Bouchet) de Lars Norén, L’Arche, 176 pages, 16 €
Théâtre Le parfum de la peur
juin 2007 | Le Matricule des Anges n°84
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Le parfum de la peur
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°84
, juin 2007.