Je tremble (1) est la première partie d’un diptyque dont le second volet sera créé en 2008. Joël Pommerat nous invite dans un cabaret où des personnages : la femme très mal en point, l’homme le plus riche du monde, l’homme qui n’existait pas, deux femmes très enceintes… viennent conter, se dévoiler ou se questionner. Cette revue est menée par un présentateur, qui d’emblée nous annonce : « Au tout dernier instant de cette soirée, mesdames et messieurs, je vais mourir/ devant vous/ devant vos yeux ».
Nous sommes dans une pièce à facettes, des bouts d’histoires jouent comme des miroirs de notre monde. Une femme s’interroge : « Mais où sont passées les idées, nom de dieu ?! Donnez-moi vite une idée qui me fasse rêver, nom de dieu,/ et vite !/ (…) vous êtes où les gens dont c’est le boulot, dont c’est le métier, dont c’est la responsabilité quand même ? » Et le présentateur de questionner un peu plus tard : « Y a t’il quelqu’un dans cette salle ce soir qui n’existe pas ? »
Ce qui guide l’auteur, c’est « l’envie d’ouvrir une autre perspective sur ce monde dont les médias se chargent de nous imposer leur vision déformante et déformée. » Dans notre société de communication à outrance, il est difficile de vouloir rendre le réel sous toutes ses formes, dans ce qu’il a de concret mais aussi d’imaginaire ou de fantasmé. Comment donc arriver à voir, soi et les autres ? En fin de cabaret, le présentateur, mort comme il l’a annoncé, lance une invitation au public : « Nous nous retrouverons le jour où, (…) je serais prêt enfin, si j’y arrive, à voir les choses, (…)/ non pas seulement comme je voudrais qu’elles soient/ non pas seulement comme je crois qu’elles sont/ non pas seulement comme je pense que ce serait mieux qu’elles soient/ mais tout simplement comme elles sont. » La pièce est hantée par l’abîme, le vide, la disparition, mais au bout du compte, c’est une invitation au mouvement, à se défaire, à modifier son regard : je tremble donc j’existe quand même un peu.
Je tremble (1) de Joël Pommerat,
Actes Sud-Papiers, 40 pages, 10 €
Théâtre Petits séismes
novembre 2007 | Le Matricule des Anges n°88
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Petits séismes
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°88
, novembre 2007.