Dix jours et dix personnages : ce ne sont pas loin d’une centaine d’histoires qui sont distillées par ce roman, empruntant sa structure narrative au fameux Décaméron de Boccace. Nous sommes sur les collines luxueuses d’Hollywood, dans une maison du dernier chic, là où se croisent producteurs, cinéastes, actrices et galeristes, beauté et séducteurs entichés de modes diverses et pittoresques. Max et Héléna reçoivent d’un coup « La fille ! L’ex-femme ! Le meilleur ami ! La voisine ! On dirait un scénario de film d’horreur. » Les mythes du talent et de la beauté, dont chacun ici est plutôt bien doté, les relations sexuelles et leurs descriptions et analyses - tendres et sensuelles, sans vulgarité - tiennent une large part de ce tableau autant psychologique que finement satirique. Le bel ordonnancement vacille devant les crises des couples et des amitiés, mais surtout devant l’irruption d’une nouvelle qui n’est guère glamour : ce conflit où mourront soldats américains et enfants irakiens. Même si Jane Smiley ne nous épargne guère les clichés d’usage, elle nous fait prendre conscience de la sécurité dorée, illusoire et menacée dont bénéficie le monde occidental. L’utopie d’un « film hollywoodien sur des concubins qui ont des enfants adultes, qui discutent de la guerre en Irak et font l’amour de façon explicite à l’écran » cristallise les aspirations créatrices et leurs limites. L’abondance des conversations sur les mentalités et l’actualité américaines, malgré parfois trop de bavardage, permet à cette comédie de mœurs de radiographier de manière vivante et changeante la société hollywoodienne, entre fiction filmique, réalité des relations humaines et horreur distanciée de la guerre.
Dix jours dans les collines d’Hollywood
de Jane Smiley - Traduit de l’anglais (États-Unis)
par Céline Leroy, Rivages, 544 pages, 23 €
Domaine étranger Décaméron hollywoodien
juin 2008 | Le Matricule des Anges n°94
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Décaméron hollywoodien
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°94
, juin 2008.