Natif de Lille, Alain Girard fait ses études à Paris « dans les grandes années de la fac à Vincennes » où il reçoit un enseignement des Jean-Pierre Richard, Henri Meschonnic et où « il arrivait qu’on croise Lacan dans les couloirs. » S’il se dit « vaguement gaucho », c’est sans verser dans le militantisme de ces années-là. Après des études de Lettres, il se retrouve enseignant à Tourcoing avec des désirs de librairie de plus en plus envahissants : « c’était mon rêve de monter une librairie. » Le père de sa femme d’alors l’encourage à se lancer. Avec son épouse, il contacte le patron du Furet du Nord qui leur conseille de venir faire un stage, non rémunéré, dans sa librairie. Nous sommes en 1979 et l’expérience ne dissuade pas le jeune couple qui dès lors se met à chercher une librairie à vendre dans une grande ville de France. La quête les conduit à Nantes où ils rachètent la librairie de neuf et d’ancien Bellanger. Vent d’Ouest ouvre ses portes en 1980. Dès lors, on voit Alain Girard ou l’un des employés de la librairie dans presque toutes les manifestations littéraires à Nantes. La librairie s’agrandit jusqu’à ouvrir un nouvel étage en 2000 pour offrir plus de rayonnages aux livres et accueille de nouveaux collaborateurs (douze employés en tout). En 2002, Vent d’Ouest aménage la « cage » dans le hall de LU pour y développer une librairie où, à nouveau, littérature, arts et sciences humaines se marient remarquablement. L’homme n’est pas très bavard. Il préfère mettre les écrivains en lumière. C’est à lui que l’on doit le somptueux dossier des librairies Initiales consacré à Pierre Michon. « Le premier dossier que j’ai fait, ça a été sur Julien Gracq, en 1997. » Alain Girard suspend sa phrase comme si on pouvait se contenter de ça. Et ? Vous l’avez rencontré ? « Oui. C’était un homme délicieux. » Dans les yeux du libraire on lit que la rencontre l’a marqué, comme celle avec Michon ou Tanguy Viel dont les portraits accueillent ses clients. Mais tout ça, cette émotion qu’on sent poindre, Alain Girard la résume d’un