C’est un conte, dont l’humour léger va cependant jusqu’à la qualité d’un apologue. Que va faire la reine d’Angleterre dans un bibliobus ? La passion de la lecture va la conduire à bouleverser son comportement, à choquer son entourage, voire le pays entier. N’ira-t-elle pas jusqu’à demander son avis au président de la République française, bien embarrassé, au cours d’une réception officielle, sur le sulfureux et homosexuel Jean Genet ? Grâce à Norman, jeune client du bibliobus et employé à la cuisine du palais, elle s’initie au monde des livres en de féconds dialogues avec celui qui passe de la vaisselle à l’emploi officiel de « Tabellion », ou assistant littéraire de sa Majesté. Elle découvre avec stupeur les œuvres de ceux qu’elle a croisés, s’étonne d’apprendre que le service de sécurité a fait exploser un volume laissé dans le carrosse : « une véritable bombe pour l’imagination ». Bien que sur le tard (elle approche les 80 ans), elle lit en toute occasion et voit sa vision du monde considérablement évoluer. Les tomes de Proust sont « aussi appétissants que les gâteaux de chez Fuller ». Évidemment, une sourde réprobation l’entoure. Et, jalousé, le pauvre Norman se verra écarté. Quant à la reine, on la soupçonne d’être atteinte de « la maladie d’Alzheimer » au prétexte qu’elle prend sans cesse des notes. Écrirait-elle à son tour un livre ? C’est ainsi qu’elle parvient à « découvrir » sa vie et agir enfin. Son discours final d’abdication, qui est aussi le point de départ de sa carrière littéraire, est aussi surprenant qu’hilarant. Connu en Grande Bretagne pour ses romans, pièces de théâtre et séries télé, Alan Bennet signe ici une satire aigre-douce et un éloge de la lecture qui nous montre tout ce que nous avons à gagner non seulement en connaissances, mais aussi en humanité, en ouvrant les bons livres…
La Reine des lectrices
d’Alan Bennet
Traduit de l’anglais par Pierre Ménard, Denoël, 176 pages, 12 €
Domaine étranger La reine
avril 2009 | Le Matricule des Anges n°102
| par
Thierry Guinhut
Un livre
La reine
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°102
, avril 2009.