Chez Tolkien et ses suiveurs, la fantasy est un genre bien balisé. Elfes et chevaliers, merveilleux et épique, royaumes en guerre parcourus par la quête d’un héros… Jo Walton est plus subtile. Son héroïne est une jeune fille tout ce qu’il y a de plus réaliste ; enfin presque. Car Morwenna Phelps, qui a perdu sa jumelle, dans un accident qui l’a laissée handicapée d’une jambe, est envoyée par son père dans le pensionnat privé très chic d’Arlinghurst. Amitiés et inimitiés pour une adolescente méprisée, solitaire et brillante, font et défont les intrigues du roman d’initiation. Mais, entre l’école et son milieu familial souvent sclérosé, il lui reste la dévoration passionnée des livres de science-fiction et de fantasy, et la bibliothèque locale. Là elle intègre un club de lecture, où la fascine Wim, bel adolescent un peu sulfureux. Plus insolites, la certitude des fées et des gnomes qui habitent discrètement les campagnes, la croyance effrénée dans les pouvoirs de magie noire de sa mère, des lettres étranges, la « magie de Karass », une acmé surnaturelle et un choix existentiel entraînent le récit vers les hésitations du fantastique.
À la lisière du folklore gallois et de l’analyse psychologique de la différence, le roman de Jo Walton, bien que publié dans la collection « Lunes d’encre », se joue de tous les genres. Cette plongée dans l’univers d’une adolescente curieuse et imaginative est d’un charme fou, en dépit de la modestie de ses prétentions. Il n’y a en effet pas forcément besoin de grandes sagas, de grands univers science-fictionnels pour que le lecteur s’identifie à cette magique personnalité en formation.
Thierry Guinhut
Morwenna
Joe Walton
Traduit de l’anglais (Pays de Galles) par Luc Carissimo
Denoël, 350 pages, 21,50 €
Domaine étranger Morwenna
mai 2014 | Le Matricule des Anges n°153
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°153
, mai 2014.