La Moitié du fourbi N°2 (Trahir)
La Moitié du fourbi, sous-titrée « Littérature & appels d’air », aime le mélange des genres. Les déplacements féconds, les lignes de fuite. Très élégante, elle présente une suite de textes de création, d’analyse, d’entretien, de propositions graphiques. Le tout autour d’un motif. Après « Écrire petit » qui déclinait dans le premier numéro l’art du minuscule, voici « Trahir ». Terrain fructueux. C’est inattendu, intelligent, et franchement nourrissant.
Il faut lire le beau texte d’Alain Giorgetti pour comprendre pourquoi dans les villes et les villages du bassin minier de Longwy, victime de la « disgrâce industrielle », ni place ni école ne portent le nom de François Mitterrand. Mensonges et reniements…
Romain Verger, lui, revient dans Efface-moi, je t’en prie, sur une histoire d’amitié et d’amputation. Comment l’éditeur Gordon Lish, « ce Pygmalion du dégraissage textuel », cisailla les nouvelles de Carver, et pourquoi ce dernier s’en accommoda si longtemps. Magnifique aussi, d’effroi et de tension, la contribution de Jean-Yves Jouannais. L’écrivain imagine cette scène baroque : la retransmission à la radio du discours de Hitler en réponse à Roosevelt devant le Reichstag ce 28 avril 1939, vécue dans un bordel viennois… « La guerre avait (donc) commencé par une blague. » Hélène Gaudy s’intéresse au destin de l’acteur et réalisateur Kurt Gerron, Frédéric Fiolof (le directeur de publication) à un escroc qu’on aimait trop… Les masques tombent. Car trahir, « c’est aussi révéler », nous enseignent les lanceurs d’alerte que sont Snowden, Assange et Manning. « La littérature est l’exercice jubilatoire le plus sérieux du monde », annonce la jeune revue en guise de manifeste. Manifestement, La Moitié du fourbi ne trompe pas son lecteur.
P. S.
La Moitié du fourbi N°2, 112 pages, 14 € (22, rue Pablo-Picasso 93000 Bobigny)