Contrairement à la littérature régionaliste d’autrefois qui peut souvent se lire sans filtre, la littérature coloniale de la première moitié du siècle dernier réclame d’être éditée avec beaucoup d’attention. Dans le cas du roman La Cina de l’Académicien Louis Bertrand (1866-1941), homme de lettres dans toute la splendeur de la formule (imaginez un Jean d’Ormesson de l’époque), il y aurait eu lieu d’être prudent, d’autant que le personnage était caractérisé par sa grande vanité et ses « convictions idéologiques furieuses » (Becq de Fouquières).
Ayant vécu neuf ans en Algérie, Louis Bertrand tira d’Afrique du Nord une part solide de son œuvre, souvent lumineuse et forte, montée sur des notations saisies sur natures et une orgie de couleurs. Ceci dit, Bertrand, qui se fit le biographe louangeur d’Adolf Hitler au cours des années 1930, qui évoque les « sciences biologiques » dans son préambule, n’est pas d’une pièce et son roman « pied-noir » qui décrit les cercles antisémites d’Algérie et dénonce la sauvagerie politique d’alors aurait gagné à être annoté sérieusement. Ce récit d’un parcours politique est en effet un gros morceau de l’histoire de l’Algérie et méritait quelques égards supplémentaires pour replacer les figures d’alors (Gerente, etc.) et rendre à son personnage principal, Michel, des perspectives que le temps a effacées. Si l’on souhaitait en faire le moins possible, il eût été préférable de rendre aux lecteurs Pépète le bien-aimé (1904) du même Louis Bertrand. C’est une très belle histoire de maquereau algérois qui se comprend sans annotation.
Éric Dussert
LA CINA, roman pied-noir
DE LOUIS BERTRAND
Marivole, 392 pages, 20 e
Histoire littéraire La Cina
février 2016 | Le Matricule des Anges n°170
| par
Éric Dussert
Un livre
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°170
, février 2016.