Un pays, ça peut finir. Malgré la présence de la terre, des montagnes, du ciel, des hommes. En 1991, pour le jeune Nurlan, la disparition de l’URSS est impossible. Qui voudrait la fin de l’union, de la fraternité entre ces hommes, entassés dans ce bus en direction d’Alma-Ata, la capitale de la République socialiste soviétique au Kazakhstan ? « Des Russes, des Kirghiz, des Ouzbeks, des Tadjiks, des Kazakhs… Un bus parfaitement soviétique. » De sa petite maison de terre dans le Kirghizistan, où Nurlan vit avec sa mère et sa grand-mère, l’image de l’URSS est celle de lendemains qui chantent. Ce que l’Europe n’a jamais réussi à produire, cette unité venue des peuples, l’URSS l’a accomplie. Et quand Nurlan se rend à Alma-Ata, il dort chez son grand-oncle Tchinguiz, où les murs arborent la carte de l’URSS. Tchinguiz est « un authentique communiste ». Pendant la Seconde Guerre mondiale, commme des milliers de Soviétiques, il est fait prisonnier des Allemands. Du fond des mines de Carmaux, dans le Tarn, Tchinguiz participe activement à la Résistance française orchestrée par les communistes locaux. Dont Gabrielle. Ils partagent le même espoir, celui de jours meilleurs, « pour la liberté, pour la justice, pour l’égalité, pour l’avenir du socialisme. Il aime utiliser ces mots, il a toujours aimé ça, ils l’alimentent, ils le soulèvent. » Ces mêmes mots transporteront le jeune Nurlan, et la Russe Alicia. À travers des personnages passionnés, des paysages que l’on pourrait dessiner après les avoir lus, à travers l’Histoire qui poussa ces soldats d’Asie centrale dans les mines tarnaises, l’auteur dévoile ce sentiment populaire extraordinaire qui fut le pilier de l’URSS. Samuel Aubin, réalisateur de documentaires dont c’est le premier roman, parvient à croiser les trajectoires de Nurlan et de Tchinguiz, avec une fluidité et une simplicité dans l’écriture. Il donne à Nurlan une voix aux tonalités enfantines, un regard plein d’attentions et de poésie qui s’arrête sur les hauteurs des toundras, ou se pose tout en haut d’un pommier d’Alma-Ata. Virginie Mailles Viard
Le Pommier rouge d’Alma-Ata, de Samuel Aubin, Turquoise, 127 pages, 16 €
Domaine français La part manquante
mars 2017 | Le Matricule des Anges n°181
| par
Virginie Mailles Viard
Un livre
La part manquante
Par
Virginie Mailles Viard
Le Matricule des Anges n°181
, mars 2017.