Mohamed travaille bien au collège. Et ce jour-là, il a une bonne nouvelle à annoncer à sa famille : « Je suis le premier de toute la classe, on est plus de cent, tu te rends compte ? » Mohamed est burkinabé mais il vit à Abidjan. Alors une place lui est réservée au lycée mais l’école est chère pour les non-Ivoiriens et c’est maintenant le tour de son frère d’étudier. Lui aussi doit aller à l’école. « C’est cela qui est juste. » Alors Mohamed choisit de partir. De tenter sa chance ailleurs. Inaya, elle, se retrouve seule après la mort de son père. Une fille seule au Nigéria, c’est compliqué et c’est dangereux. Alors elle aussi doit partir. Trouver des passeurs, des guides, faire confiance ou non. Et puis bien sûr, Mohamed et Inaya se croisent. Le hasard. D’abord méfiants, et puis vite inséparables, ils vont se protéger, s’aider, se porter chance, additionner leurs courages et poursuivre ensemble le voyage.
Le texte de Simon Grangeat est porté pour l’essentiel par un chœur, le chœur des interprètes formé de tous les personnages qui vont tour à tour intervenir. Il raconte, commente, interpelle les protagonistes. Pour faire de cette double aventure un récit exemplaire, une épopée, presque un conte. Le chœur semble veiller sur ces deux enfants remplis d’espoir, persuadés que le monde ne peut pas être si dur et si laid. Et que rien n’est perdu tant qu’il y a l’envie de s’en sortir. Ils arriveront finalement en Europe, en Espagne, dans l’enclave de Melilla. Tout semble désormais leur sourire. Et pourtant : « Tu crois que ton voyage est terminé ?/ En fait, c’est presque le début de tes ennuis. / On t’enferme dans un centre d’internement./ Entre nous, on appelle ça le centre de déportation. » La fin du texte nous rappelle que tous ces gens qui fuient leur pays ne sont pas toujours les bienvenus, loin de là. Que la traversée pour gagner le continent européen n’est que la première étape d’un parcours très difficile. Et que de nouvelles épreuves les attendent dans cette richissime Europe où l’étranger est perçu comme une menace permanente. P. G.B.
Les Solitaires intempestifs, « Jeunesse », 128 pages,11 €
Théâtre Du piment dans les yeux de Simon Grangeat
novembre 2017 | Le Matricule des Anges n°188
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Du piment dans les yeux de Simon Grangeat
Par
Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°188
, novembre 2017.