À Cuba, sous l’ère Castro, « fermer les yeux revient à les ouvrir sur la mort ». Chloé, une poétesse qui refuse toutes les compromissions, en fait l’amère expérience. Elle qui tente de se remettre de la mort de ses parents, se retrouve au cœur de toutes les manipulations politiques. Coincée entre les résistants et les oppresseurs, elle rejette le rôle prédéfini que chacun veut lui attribuer. Même la notion de dissidente, qui sonne pourtant comme un éloge, ne lui convient pas, parce qu’il a été décidé par d’autres. En voyage à Mexico où elle espère quitter la lourdeur de l’appareil d’État cubain, elle croise la diaspora qui ne lui fait pas bon accueil. Ses compatriotes voient la trahison partout. Avec perspicacité, Chloé y reconnaît les « tactiques du totalitarisme », incompréhensiblement intégrées par ceux censés les combattre : « répandre le soupçon, diviser en lançant de fausses pistes, vaincre grâce à la rumeur ».
Chez Wendy Guerra, la révolution et la contre-révolution se rejoignent sur ce plus petit dénominateur commun. Les exilés, pourtant libres, restent prisonniers de leurs traumatismes. De retour sur son île, Chloé se réfugie dans l’écriture pour « vaincre l’enfermement ». Autour de l’écrivaine gravitent Márgara, sa femme de ménage, agent de surveillance des services secrets, qui tente néanmoins de la protéger, Alberto, un « ami » qui, lui aussi, renseigne les autorités. Gerónimo, un acteur hollywoodien d’origine nicaraguayenne, aide Chloé à faire toute la lumière sur son histoire familiale. Notamment sur l’identité de son véritable père, peut-être fusillé par le régime et depuis tombé dans l’oubli. Un rendez-vous avec le chanteur Sting, qui veut utiliser ses poèmes dans ses chansons, et une rencontre manquée avec Gabriel García Márquez parachèvent cette tranche de vie chaotique qui louvoie entre La Havane, Mexico, New York et Paris. Des poèmes insérés entretiennent le souffle de ce combat pacifique pour la liberté : « Dis, au moins, ta vérité. Et après, laisse arriver n’importe quoi ».
Franck Mannoni
Un dimanche de révolution de Wendy Guerra
Traduit de l’espagnol (Cuba) par Marianne Million, Buchet Chastel, 216 pages, 19 €
Domaine étranger Un dimanche de révolution
novembre 2017 | Le Matricule des Anges n°188
| par
Franck Mannoni
Un livre
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°188
, novembre 2017.