On attribue aux habitants d’Orléans, surnommés les Guépins, un caractère piquant et railleur. Un mélange de « sauvagerie et de sociabilité », ajoute Jean-Louis Pierre, Orléanais « d’origine et de cœur ». La légende était trop belle pour ce professeur de lettres à la retraite, spécialiste de Ramuz, et dont la création d’une maison d’édition était « un vieux projet » : la guêpe devient son emblème, et la Guêpine un modeste nid d’accueil. Depuis six ans, elle exhume de courts textes rares ou oubliés des siècles passés. C’est le premier versant du catalogue. On y croise Chateaubriand et son Voyage au Mont-Blanc, Nodier, Courier, Camus, ou encore Marmontel, l’ami de Voltaire. La proximité avec les Alpes chères à Ramuz n’est pas fortuite. Et le plaisir de la langue, la vigueur du propos, qu’il prenne la forme de la dispute, du pamphlet ou du manifeste, non plus. Le second versant est davantage contemporain : un écrivain d’aujourd’hui dit sa dette à un classique (Charles Péguy, l’initiation, de Claude Louis-Combet, par exemple). Question d’héritage toujours, telle cette déambulation dans les ateliers du peintre Olivier Debré, « cet autre amoureux de la Loire ». Jean-Louis Pierre semble faire les choses à l’instinct, avec spontanéité. C’est la grande liberté des endurants.
Jean-Louis Pierre, vous avez fondé l’association française Les Amis de Ramuz. La Guêpine réédite notamment quelques titres de l’écrivain vaudois. En quoi Ramuz est-il une figure tutélaire pour votre maison d’édition ?
C’est Michel Raimond, mon Maître en la Sorbonne, qui me fit découvrir Ramuz et dirigea longtemps mes recherches universitaires. Et, c’est par Ramuz et pour Ramuz que je suis entré « en édition ». J’ai désiré partager mon intérêt pour cet auteur, si méconnu ou mal connu, et ai fondé Les Amis de Ramuz en 1980. Grâce à Marianne Olivieri, la fille de l’écrivain, j’ai rencontré Jean-Pierre Moreau et ses éditions Séquences ; il s’intéressait à Ramuz et il lança une « Collection ramuzienne » que j’ai animée jusqu’à la cessation de son activité (collection reprise ensuite par les éditions du Lérot). Parallèlement, j’ai souhaité que les Amis contribuent également à faire connaître quelques œuvres du Vaudois. Jean-Pierre Moreau fut donc notre imprimeur.
Comment qualifier votre passion pour Ramuz ? En quoi est-il notre contemporain ?
Ramuz est un écrivain considérable qui excella aussi bien dans les formes brèves (nouvelles, croquis, morceaux), qu’au théâtre (trop peu, hélas, mais Histoire du soldat et Noces, avec Igor Stravinski sont des œuvres majeures), que dans les récits, dans la poésie. Ce fut aussi un essayiste de premier plan dont les directeurs de revues ou de collections des années 30 voulaient la collaboration, de Paulhan à Aragon, en passant par Daniel-Rops pour n’en citer que quelques-uns. Ce n’est pas pour rien que Jean Malaurie a souhaité qu’un volume de sa magnifique collection « Terre humaine » contînt des extraits d’œuvres...
Éditeur Taille de guêpe
septembre 2018 | Le Matricule des Anges n°196
| par
Philippe Savary
Riche en curiosités, le jeune catalogue des éditions de La Guêpine insuffle une nouvelle vie à de petits textes originaux, qui ne manquent ni de verdeur ni de verdure.
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