Certains se lamentent du délitement des liens sociaux dans les mégalopoles, d’autres prennent le pichet par l’anse et, de chroniques en petits livres, montrent qu’il subsiste un lieu où se jouent encore et toujours les échanges les plus divers, jusqu’au plaisir de l’autre, où se conquièrent possiblement détente et observation, tout en jouissant de la libation et, si le cœur en dit, du commentaire gratuit (dit aussi « propos de zinc »). Ce lieu c’est le café. Didier Blonde, flâneur parisien, a réuni les notes prises durant ses nombreuses stations assises pour rendre hommage à l’immarcescible gloire des limonadiers et de ses contemporains avides, comme lui, de commerce humain sans engagement.
Il y a peu Stéphan Lévy-Kuentz avait établi la Métaphysique de l’apéritif (Manucius) et Patrick Cloux refaisait l’histoire culturelle de Popu Au grand comptoir des Halles (Actes Sud). Blonde a pour sa part additionné les petits faits du consommateur attentif, la note et les usages, le nom des serveurs, ou s’est rappelé ce film tourné au Zimmer, incongru havre à tapis plutôt rococo à l’ère numérique – il est à deux pas du Dernier bar avant la fin de monde qui a hérité son enseigne d’un film de zombies. Didier Blonde est plutôt amateur de fantômes : « Mes rêveries, et mes rêves, trouvent leur place dans deux lieux de la ville que tout semble opposer, mais qui souvent se font face, ces cafés, transparents, ouverts sur la rue, et ces cimetières, clos de murs, que j’aurais tous beaucoup fréquentés. Je vais sans cesse des uns aux autres. Ce sont les deux pôles de mon imaginaire. J’aime, assis à ma table, regarder, de tous mes yeux, les vivants, anonymes, et rappeler le souvenir des disparus, qu’on oublie, sous leur marbre, comme alternent l’ombre et la lumière, le jour et la nuit. » Et Blonde n’a pas les yeux dans sa poche : son livre est un autoportrait de l’auteur en amateur de jolies filles perdues dans leur lecture au café. L’œil toujours se régale au débit. Éric Dussert
Cafés, etc., de Didier Blonde, Le Mercure de France, 126 pages, 13 €
Domaine français Limonades et petites pépées
septembre 2019 | Le Matricule des Anges n°206
| par
Éric Dussert
Un livre
Limonades et petites pépées
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°206
, septembre 2019.