Yoan Yago appartient à une nouvelle génération de dramaturges catalans. Il est présenté comme un auteur qui « renoue avec la critique sociale en mettant le drame au service d’une résistance face aux structures de perception qu’imposent les médias. Il ne s’agit pas de défendre un théâtre engagé au service d’une idéologie, mais de résister à la prédominance du storytelling en tant que machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits ». Un théâtre comme un « art de la résistance qui expérimente de nouvelles manières d’appréhender le réel ». Effectivement, ces cinq brefs entretiens de quelques pages nous retournent la tête et nous plongent dans de drôles d’états. Nous oscillons entre répulsion, incompréhension, commisération.
Joan Yago s’est inspiré pour ce texte de vraies personnes. Une voix d’homme interroge cinq femmes. Cinq portraits donc : Natalia Yaroslavna, surnommée la Barbie humaine, recherche la perfection esthétique, Susan Rankin, la plus jeune conseillère républicaine au Nevada milite pour le droit de porter une arme. Roberta Flax, elle, participe à un projet visant à allonger la vie humaine par le biais de la technologie jusqu’aux limites de l’immortalité. Rose Mary Powell est pionnière du mouvement trans-âge. Elle était auparavant John Thomkins qui, à l’âge de 52 ans, a décidé de devenir une petite fille de 6 ans. Et puis Glenna Pfender, la femme à la peau bleue, à la suite d’un traitement prolongé à l’argent colloïdal devenu addictif.
Ces femmes partagent toutes quelque chose de monstrueux, parce que fondamentalement radical, mais par ces entretiens nous sommes invités à entendre ce qu’elles ont à dire. Elles nous posent des questions sur leur vision de la mort, de la beauté, de la liberté ou de l’identité. Comment entendre ce qui nous paraît monstrueux est une question qui résonne fortement ces dernières semaines.
En tant que femme, on se sent heurtée par ces extrêmes féminins, peut-être parce que le rêve d’un monde différent, s’il était dirigé par plus de femmes, est ici battu en brèche. Mais ces entretiens ont la grande force de nous troubler en nous confrontant au prisme de nos préjugés.
L. Cazaux
Brefs entretiens avec des femmes
exceptionnelles
Yoan Yago
Traduit du catalan par Laurent Gallardo, bilingue, Théâtre ouvert, 144 pages, 10 €
Théâtre Sortir du rang
novembre 2020 | Le Matricule des Anges n°218
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Sortir du rang
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°218
, novembre 2020.