Large format, beau papier, voilà L’Amour, censément revue semestrielle « artistique et littéraire » dirigée par Frédéric Pajak – assez saillant ici, du dessin de couverture au texte d’une BD en passant par l’éditorial et un long, très libre et très beau texte, « L’eau qui dort », qui suit les méandres de la révolte, ici La Boétie, là « les douloureux ronds-points ». Les aficionados des Cahiers dessinés retrouveront aussi dans ces pages leur petit peuple d’artistes, auteurs, critiques (Topor, Chaval, Bosc, Sempé, Nizon, Delfeil de Ton…) : déjà vu ? Non, car Pajak (qui s’échina autrefois à faire vivre un autre collectif, L’Imbécile) parvient toujours à réaliser des journaux « qui ne ressemblent pas à des journaux, qui ont des airs d’expérimentations, de préférence éphémères ».
Essayons d’approcher cette singularité : le réalisme des dessins de Joël Person peut voisiner la drôlerie des strips de Mix & Remix ; le genre satirique semble caractériser certaines pages, quand d’autres seraient tombées d’une histoire de l’art, ou bien d’un journal intime, ou encore d’une forme sans nom. « Ceci n’est pas un article linéaire ni une étude argumentée, mais un voyage de visions issues de l’Histoire et de l’actualité », annonce Jean-Noël Orengo en ouverture de son violent « Negro white trash » : ce voyage qui nous mène du XIXe siècle où vécut John Brown – chrétien blanc antiesclavagiste – jusqu’à notre présent progressiste prompt « à désunir les Noirs pauvres des pauvres white trash » est un bon exemple de ce que réussit la revue, dans l’inattendu du sujet, la liberté du traitement, l’échappée de l’idéologie.
G. M.
L’Amour N°1
Les Cahiers dessinés, 148 pages, 15 €
Revue L' Amour N°1
novembre 2021 | Le Matricule des Anges n°228
| par
Gilles Magniont
Un livre
Par
Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°228
, novembre 2021.