auteur Aslı Erdoğan
A propos
D'une douleur ancienne
Emprisonnée en août dernier par le régime d’Ankara, la romancière turque a été mise en liberté conditionnelle fin décembre. Devenue un symbole, elle est avant tout l’auteure d’une œuvre singulière et profonde. Comme la nuit.
On l’avait rencontrée, en 2009, au festival Meeting à Saint-Nazaire. Avec sa casquette vissée sur la tête, Aslı Erdoğan semblait une sorte de Gavroche féminin. Elle portait, dans la base sous-marine de la cité ligérienne où se déroulaient les rencontres littéraires, une silhouette d’enfant au front barré des traces d’une « douleur ancienne ». Cette année-là paraissait en Turquie son roman Le Bâtiment de pierre : entre poésie et récit, un livre sombre traversé d’images entêtantes où se réécrivaient les cercles de l’Enfer de Dante. La même année, Actes Sud publiait son livre le plus...
Aslı l’indépendante
Maître de conférences, traducteur et directeur de la collection « Lettres turques » chez Actes Sud, Timour Muhidine est un spécialiste de la littérature turque et le principal éditeur d’Aslı Erdoğan.
Tout d’abord Timour Muhidine, vous qui dirigez la collection « Lettres turques » où ont paru la plupart des livres d’Aslı Erdoğan, comment avez-vous vécu l’arrestation et l’enfermement de la romancière, puis sa libération conditionnelle il y a quelques jours ?
Le jour de son arrestation, le 17 août, j’ai, comme tout le monde été surpris de l’ampleur de la rafle sur le journal et de la traque...
Mobilisation internationale
Directeur de la Meet à Saint-Nazaire, Patrick Deville a publié Aslı Erdoğan, l’a accueillie en résidence et a fait fonctionner le réseau des écrivains du monde entier.
Il a été l’un des premiers à alerter l’opinion publique après l’arrestation d’Aslı Erdoğan en août dernier : l’écrivain Patrick Deville tisse depuis des années un réseau d’écrivains du monde entier pour, d’une certaine façon, mettre en pratique la communauté de ceux qui font acte d’écrire. Pour lui aussi, le combat continue…
Patrick Deville, en tant que directeur de la Maison des...
Ouvrage chroniqué
Le Mandarin miraculeux
de
Aslı Erdoğan
2006
La narratrice, une jeune femme turque, erre dans Genève une fois la nuit tombée. Depuis le départ de Sergio, son amant, elle a perdu l’œil gauche. Désormais objet de peur et de répulsion, elle se réfugie dans la solitude et une ironie teintée de cynisme ; la voilà racontant l’intérêt que lui manifeste un jeune Français croisé dans un café : « Il devait se figurer que j’étais une femme écrivain du Tiers Monde qui avait perdu un œil en combattant pour la démocratie. » En réalité toute sa personnalité est habitée par la douleur, et semble prête à se briser à la moindre manifestation de...