La rédaction Catherine Simon
Articles
Au bazar de la mémoire coloniale
Dans une langue vertigineuse de justesse et de cruauté, António Lobo Antunes ressuscite les fantômes d’Angola, mémoires cassées du Portugal.
C’est toujours le même foutu bazar, quand on entre dans un livre de Lobo Antunes, le même roulis d’histoires en miettes qui saisit et bouscule : on s’accroche à la poignée comme dans le métro, on s’accroche par réflexe et ça y est, c’est fichu, on ne bouge plus jusqu’à ce que le chapitre s’achève. À ce moment-là, on pourrait sauter, s’enfuir, ne pas écouter le chant des sirènes. Sûrement cela arrive. Il n’est pas facile à lire, Lobo Antunes. Ces phrases cassées, qui renaissent plus loin ou restent suspendues en l’air, ces voix de l’intérieur, ces torrents de mots syncopés, coulant sans...
Kahawa de Donald E. Westlake
Publié en 1981 dans sa version (américaine) originale, ce polar africain n’a pas pris une ride. Au contraire ! Western pétaradant, ce bijou noir du grand Westlake met en scène, façon John Wayne, l’Ouganda du dictateur Idi Amin Dada, connu pour sa folie cruelle et le régime de terreur qu’il instaura dès 1971 dans ce pays enclavé d’Afrique de l’Est. Nous sommes en 1977, le règne d’Idi Amin...
L’exception tunisienne
De Carthage à Sidi Bouzid, Sophie Bessis arpente trois mille ans d’Histoire – riche en paradoxes – d’un seul souffle.
D’abord, le plaisir. Il est rare que l’Histoire se lise comme une histoire : avec l’envie, s’aiguisant d’épisode en épisode, de connaître la suite, alors même que l’on sait d’avance que ce récit n’aura pas de fin puisqu’il s’agit d’Histoire, et que certains personnages ou événements nous sont familiers. Didon, princesse phénicienne, Hannibal et ses armées, les frères Barberousse et leurs...
La Société des rêveurs involontaires de José Eduardo Agualusa
On retrouve, dans ce roman d’Agualusa, écrivain prolifique, né en 1960 à Huambo (Angola, alors colonie portugaise), la même veine poétique, le même goût pour le fantastique que dans ses récits précédents. L’auteur de Théorie générale de l’oubli met en scène, cette fois-ci, un étrange tandem : le journaliste Daniel Benchimol, « spécialisé dans les disparitions », retrouve un ancien camarade...
mars 2019
Le Matricule des Anges n°201
Clochemerle au Cap
Deux vieilles dames et la haine : Yewande Omotoso montre les blessures toujours à vif dans l’Afrique du Sud post-apartheid.
Elles ne peuvent pas se sentir et, fait plus rare, ne s’en cachent pas. Marion et Hortensia sont voisines. La haine qui les sépare est, à la façon du mur de Simone Weil, citée en exergue du roman, « ce qui leur permet de communiquer ». Un vrai spectacle. Avec ses reparties cinglantes, ses rebondissements, ses coulisses pleines de fantômes et d’amertume. Le tout, sur fond d’Afrique du Sud...