RUBRIQUE Intemporels
Les articles
Un livre
Planète sans visa
de
Jean Malaquais
Malaquais, bien nulle part
Fresque sociale et historique, Planète sans visa (1947) évoque la cité phocéenne durant les premières années de l’Occupation.
Il existe au moins deux manières différentes de lire ce livre. La première est la plus simple : elle consiste à se jeter dans ce roman sans intrigue et sans protagoniste, qui juxtapose (comme l’a fait l’Espagnol Camilo-José Cela dans La Ruche avec le Madrid de 1942) des séquences narratives de longueur variable, n’ayant souvent rien à voir les unes avec les autres, et qui concernent à chaque fois un nombre limité de personnages (sur la grosse cinquantaine que contient l’ensemble). La seconde a le mérite d’être moins superficielle, et partant plus proche de la réalité historique : le...
Exercices de survie
Dans Le Musée des redditions sans condition, l’écrivaine croate Dubravka Ugrešic (née en 1949) fouille la mémoire de deux exilées.
Il faut attendre la page 261 pour faire la connaissance de Roland, l’éléphant de mer du jardin zoologique de Berlin. On y apprend qu’il rendit l’âme le 21 août 1961 et qu’une vitrine, exposée près du bassin qu’il occupait, présente les objets qui ont été retrouvés dans ses entrailles (entre autres merveilles improbables : un compas, un cadenas, un pistolet à eau en plastique, une broche...
Un roman continent
Avec Dalva, Jim Harrison (1937-2016) offre au lecteur une plongée vivifiante dans le passé et dans l’espace américains.
À Santa Monica, en Californie, sur la côte ouest des États-Unis, il y a des balcons qui s’ouvrent sur l’océan Pacifique et sur une brise tiède qui sent « l’eau de mer, le genévrier, l’eucalyptus, le laurier-rose, le palmier ». Celui sur lequel s’attarde Dalva, l’héroïne du roman, s’ouvre sur les événements qui ont marqué sa vie, de son histoire personnelle (une somme de deuils qu’elle porte...
Le temps des deuils
Dans Tous nos hiers, la romancière italienne Natalia Ginzburg (1916-1991) évoque des jeunesses sacrifiées, sur fond de fascisme et de guerre.
Ils s’appellent Anna, Giustino, Concettina, Ippolito, Giuma, Emmanuele, Amalia, Danilo… À cette liste, on pourrait ajouter les prénoms de celles et ceux qui n’apparaissent pas dans ce roman mais qui, comme eux, ont perdu leur adolescence dans la Seconde Guerre mondiale, en Italie et ailleurs, de la même manière que leurs propres parents avaient laissé la leur au cours du premier conflit...
Devenir personne
Avec Le Roman de Londres, l’ecrivain Serbe Miloš Tsernianski (1893-1977) présente le destin d’un couple russe en exil. Un huis clos oppressant.
Lorsque l’on arrive à la première véritable péripétie du roman (l’embauche de Repnine en tant que comptable chez un bottier, ce qui lui vaut de travailler dans une cave où sa vue rapidement se dégrade), on en déjà lu les 150 premières pages, un temps largement suffisant pour faire connaissance avec les deux protagonistes : Nikolaï Rodionovitch Repnine (un prince qui donne d’emblée au lecteur...