L’histoire du beau capitaine ressemble à un mauvais songe. C’est la déchéance d’un jeune officier à l’uniforme irréprochable et au visage d’ange dans un monde kafkaïen. Ce qui apparaît d’abord comme une simple formalité - une requête pour demande d’avancement refusé par le Conseil militaire - va se perdre dans les coulisses du Conseil d’Etat. Et passionner le narrateur, maître des requêtes, irrésistiblement attiré par le jeune militaire. « Ce n’était pas tant le pli impeccable du pantalon, les souliers sombres vernis, la cravate képi au noeud triangulaire, l’insigne trônant sur son képi ou les étoiles d’argent étincelantes sur les épaulettes, ni même les deux pinces dans son dos qui soulignaient l’angle du torse » qui séduirent le mûr conseiller d’Etat. L’attrait de l’uniforme eût paru bien mince. Le sentiment qui rapproche ces deux personnages sans nom, n’a pas non plus de nom. Trouble dévotion à la « jeunesse d’âme » et à la beauté pour l’honorable conseiller d’Etat et confiance sans bornes pour la sagesse et l’expérience du côté du jeune militaire égaré dans les dédales de l’administration.
Tous deux évoluent dans un monde confiné, entre couloirs sans fin et bureaux grisâtres. En fond, transpire un climat de conspiration, celui des années soixante grecques, période noire qui mènera en 1967 à la dictature des Colonels.
Ménis Koumandarèas fait pourtant de son conseiller d’Etat un personnage peu ouvert aux rumeurs de son temps, que la politique fatigue. Si le livre, publié en 1982, attaque finalement l’armée comme une ennemie de la démocratie, il ne prête à son officier aucune épaisseur rebelle. Personnages désincarnés, le beau capitaine et son conseiller d’Etat vivent dans un quotidien bien réel.
Le beau capitaine
Ménis Koumandarèas
Traduit du grec
par Michel Volkovitch
Editions du Griot
173 pages, 90 FF
Domaine étranger La requête du capitaine
octobre 1993 | Le Matricule des Anges n°5
| par
Frédérique Roussel
Un livre
La requête du capitaine
Par
Frédérique Roussel
Le Matricule des Anges n°5
, octobre 1993.