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Domaine français La nuit de tous les rats

octobre 1993 | Le Matricule des Anges n°5 | par Thierry Guichard

Premier roman de François Boulay, un peintre né en 1937 qui nous livre avec Un automne ordianire la preuve de son très grand talent.

En voilà une fameuse découverte ! François Boulay. Un peintre dont le premier roman (sorte de voyage au bout de la folie dans une longue nuit nordique) nous entraîne très loin dans l’horreur, le malaise. C’est fort, très fort, malgré une phrase parfois trop lourde, chargée comme elle est de propositions enchâssées dans d’incessantes virgules. Mais, peut-être, la plongée au cœur de la folie est-elle à ce prix.
François Boulay a plusieurs langues et son roman semble ancré sur plusieurs mers. Céline, bien sûr, pour cette vision noire, boueuse du monde, Kafka pour ce « Jules » capable de se transformer, volontairement, en araignée humaine et faire peur ainsi à sa sœur, Joyce pour le raccolage, en fin d’ouvrage, des peaux de lapins, mises à sécher, et qui, comme les putains d’Ulysse aguichent le personnage principal, âme damnée errante entre deux cauchemars.
Jules était parti dans le Nord pour faire des recherches sur la correspondance de « Wilma et Artur ». Mais sa Mercedès, perdue au cœur d’une tempête de neige percute deux silhouettes titubantes au centre de la chaussée. Il faut lire la manière avec laquelle François Boulay « rend » cet accident, l’atmosphère inquiétante due à l’opacité (nuit et neige) du paysage, le bruit du choc, la certitude d’avoir tué : « Un réflexe insensé me fait éteindre les phares. Dissimuler mon crime(…) Les mains accrochées au volant comme à une bouée. »
Ce sera là le début de la descente aux enfers de Jules, accompagné dans cette chute vers les abysses par Hanna, terrifiante et (donc) belle jeune fille. Jules va se retrouver au fond d’un vieux cargo, abandonné dans un port baltique, habité par un ancien soldat, Niels, qui élève là des rats, des milliers de rats dans la pénombre de la cale, armes vivantes parachutées dans les guerres qui embrasent le monde. Car Niels exploite une idée géniale qui avait germé lorsqu’il luttait contre les chars pendant la guerre : lancer sur les convois de ravitaillement des milliers de rats, les lancer également sur les hôpitaux de campagne, qu’ils aillent ronger, ces carnivores, les membres mutilés des blessés.
Pendant de longs jours, en fait une longue nuit puisque le jour n’atteint pas l’antre maritime où vivent Niels, Hanna et Jules, notre héros va rester là, ressassant d’étranges souvenirs d’enfance, mêlant à son errance mentale des images obsessionnelles, des voix surgies du passé. Le récit se déroule dans la pénombre, François Boulay n’est pas un adepte de la claire linéarité, il travaille la matière, il enroule ses phrases comme pour noircir un peu plus la page. Le résultat est là : on se sent comme Jules, prisonnier de quelque chose qui pourrait être notre propre inconscient. « Aurais-je un jour à rendre compte de mes actes devant un tribunal d’hommes ? Mais la confrontation directe avec ma conscience a tourné court, comme une bagarre de rue entre deux poivrots frappant le vide jusqu’à épuisement. » De cet enfer poisseux, on sort parfois, lorsque le récit nous amène rue des Lorettes à Paris où l’écrivain se voit confronté à la vie quotidienne (et l’absence douloureuse de café au réveil…). Il y a là un très bel épisode qui voit un gamin analphabète prendre comme un cadeau un livre épuisé, véritable écrin à de délicieuses images de femmes, que l’écrivain lui laisse, emportant de son côté deux boîtes de café soluble. On est, nous lecteurs, un peu comme ce gamin : on prend ce premier roman de François Boulay comme un cadeau et l’on se sent parfois un peu analphabète.

Un Automne ordinaire
François Boulay

Eds. Michel Chomarat
160, rue Vendôme 69 003 Lyon
186 pages, 85 FF

La nuit de tous les rats Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°5 , octobre 1993.