Le prix Prométhée de la nouvelle, qui peut s’enorgueillir de douze années d’existence et d’un jury prestigieux, sait nous offrir les précieux millésimes de nouvellistes inédits. Lauréate de ce début d’automne, Dominique Mainard, 27 ans, ne fera pas injure aux précédentes récompenses : dès les premières lignes, une voix ose s’imposer, à la fois sèche et cristalline, cependant que « les premiers brouillards envahissent l’obscurité »…
Selon le propre aveu de l’auteur, toutes les nouvelles de son recueil Le second Enfant ont en commun « la germination d’une certaine forme de folie », une folie qui émerge soudain de la solitude, pour aussitôt s’épanouir. Tous les personnages semblent s’incarner en cet homme qui « s’élance en zigzaguant à travers la place » et qui « disparaît dans la nuit » : oubliés de tous, dans une claustration que le poids du passé et quelques navrantes illusions s’obstinent encore à préserver. « Votre existence est bouleversée, mais le monde l’ignore »… et ce qui n’était encore que blessure se fait désormais agonie.
Si Hubert Haddad, dans sa préface, se plaît à évoquer Faulkner et Gabriel Garcia Marquez, Dominique Mainard mêle en outre à sa folie celle des personnages de Schnitzler ou de Norman Mailer. Le second Enfant propulse, en terme d’errances inutiles, ses visages torturés vers une mort dans l’âme, vers des amours illégalles : Flannery ira jusqu’à dérober la fille d’une mendiante pour goûter enfin les délices d’une maternité que la vie s’acharne à lui refuser ! Puisqu’il n’est plus possible de lutter contre l’ennui, comment occuper ces heures lourdes qui accomplissent leur misérable destin ? Edna Marvey « s’adossa confortablement contre ses oreillers et pensa à sa vie écoulée, ce chemin poussiéreux dont on atteint un jour le but », et Emme, à la recherche d’un improbable prétendant, de déambuler sur les quais et d’observer la brume qui, impassiblement, « se déroule sur l’eau grise » du Danube…
Le second Enfant
Dominique Mainard
La Différence
169 pages, 98 FF
Domaine français La folie, au bout
décembre 1994 | Le Matricule des Anges n°10
| par
Didier Garcia
Un livre
La folie, au bout
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°10
, décembre 1994.