Un livre

Le Mauvais Sort

de André Beucler

Le mauvais Sort d’André Beucler, c’est l’impossible amour de Philippe Bolhême (dont le nom dit la place marginale dans la société), fasciné par la fatale Francine Alexandrovna (dont le nom dit le charme russe). Le décor : la Côte d’Azur des années 20. Beucler souvent capable de tant de légèreté s’est ici empêtré dans des personnages et des décors surdéterminés qui ne pouvaient pas bien vieillir. A l’époque, Marcel Achard trouvait que les personnages de Beucler avaient quelque chose de Dostoïevski : Philippe Bohême n’est quand même pas le Prince Muichkine…
Malgré Le Mauvais Sort, Beucler si on le lit pour ce qu’il est, c’est-à-dire ni pour une « reprise » de Dostoïevski ni comme le précurseur de Camus, est un auteur qui possède un vrai monde et un vrai style. Beucler c’est surtout, comme l’explique bien l’avant-propos, une « mythologie » fixée dès le premier roman La Ville fantôme, dont les figures archétypiques (les femmes fatales et leurs « victimes ») sont ensuite déclinées et rejouent leur drame de roman en roman, jusqu’au dernier, Le mauvais Sort (1928). Le plus célèbre de ces romans, Gueule d’amour (1926), que Jean Grémillon avait «  »librement" porté à l’écran en 1937 vient d’être réédité par Librio. Ces années romanesques sont les plus structurées de la production de Beucler : ensuite sa production - des nouvelles surtout - perd toute unité.
S’il n’y a rien d’autre à faire avec des nouvelles inédites que de les compiler, on peut pourtant s’interroger sur la légitimité qu’il y a à démembrer des recueils de nouvelles, déjà édités pour les recomposer comme l’ont fait les éditions Phébus qui proposent donc Entrée du désordre (220 pages, 119 F). Ainsi, par exemple, Jacquot et Le 8 formaient un recueil intitulé Jacquot et l’oncle de Marseille. Un corpus volontairement si peu structuré comme l’oeuvre de Beucler a-t-il besoin que le désordre y entre par ce nouveau biais ?

Le mauvais Sort
André Beucler
Le Castor astral
196 pages, 98 FF