En octobre 1943, alors que les assauts alliés s’abattent avec rage sur le sud de l’Italie, Norman Lewis débarque à Naples en qualité d’officier des renseignements de la couronne britannique. Dans les rues de la ville tout juste libérée, la misère la plus noire s’offre au regard du soldat. « Vêtues commes tous les jours, elles montraient le visage affable, avide de commérages des honnêtes ménagères de la classe laborieuse. Quelques rations étaient posées à côté de chaque chaise, et je n’ai pas tardé à comprendre qu’il suffisait d’ajouter sa contribution à la pile déjà constituée pour coucher avec l’une d’elles, ici même ». Dans les faubourgs, les habitants fouillent la terre à la recherche de la plus petite racine comestible et les aquariums ont été vidés de leur contenu.
Scrupuleusement, jour après jour, Norman Lewis consigne ces douloureuses observations. Chargé d’établir un fichier de renseignements, il est assailli par les dénonciations et les témoignages sans scrupules. « Certaines accusations prêtent à sourire, ainsi celle qui vise un prêtre accusé d’avoir organisé une projection de films pornographiques pour le compte du commandant de la garnison allemande ». Grâce à ses « contacts », qui deviendront de précieux amis, Lewis enquête sans conviction sur « les citoyens suspects » mais pénètre ainsi au plus près de la vie napolitaine. Il se fait alors le fin observateur de « l’âme » et des mœurs locales en matière de sexe, d’alimentation, de combines ou de superstitions. Et ces conclusions en la matière sont pleines d’humour et de sympathie pour ces Napolitains qui montrent, malgré tout, une formidable vitalité. Témoin de leur tragédie et des absurdités de la guerre - « un village rayé de la carte sous prétexte que les Allemands s’y cachaient peut-être » - Norman Lewis jette un regard révolté puis désabusé sur la stratégie des « libérateurs » et sur sa mission.
Un an plus tard, c’est plein de nostalgie qu’il fera ses adieux à la ville.
Maïa Bouteillet
Naples 44
Norman Lewis
Phébus
Traduit de l’anglais par
Pierre Giuliani et Iawa Tate
240 pages, 129 FF
Domaine étranger Le Napolitain Norman Lewis
septembre 1996 | Le Matricule des Anges n°17
| par
Maïa Bouteillet
Un livre
Le Napolitain Norman Lewis
Par
Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°17
, septembre 1996.